Parachat Noa’h. L’impact des actes

« Toute créature avait perverti sa voie sur la terre » (Béréchit 6,12)

Le Talmud Sanhédrin (108) nous enseigne qu’à l’époque précédant le Déluge, non seulement les êtres humains étaient corrompus, mais même le règne animal s’était alors dépravé, comme le sous-entend ce verset témoignant que toute créature pervertit sa voie. Cette « perversion » des animaux mérite quelques explications : s’il nous est donné de comprendre ce que signifie la dépravation chez l’être humain qui est doté d’un libre-arbitre, comment comprendre une telle attitude chez les animaux, alors qu’ils sont – pour leur part – dénués de toute liberté de choix et n’agissent qu’instinctivement ?Pour résoudre cette anomalie, l’auteur du Bet haLévi établit un principe important relatif à la portée des actes humains. Comme nous le savons, lorsque l’homme s’habitue à commettre régulièrement certains méfaits, ceux-ci deviennent alors chez lui comme une seconde nature. En effet, une attitude récurrente est susceptible de développer chez l’individu une accoutumance irrépressible à la faute, et alors, quand bien même serait-il nettement conscient de la gravité de son acte, cette seconde nature qui l’habite lui ferme les voies du repentir.

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Or, loin de se borner à influer sur la nature de l’homme, l’acte déviant rejaillit également sur tout son entourage ! Ceci est vrai non seulement lorsque la faute est perpétrée publiquement – auquel cas tout un chacun est susceptible de s’en inspirer –, mais même lorsque l’homme agit en secret, puisque la tentation à laquelle il a cédé déteint sur la nature des créatures. Or, dès lors que les transgressions d’une faute se multiplient sur terre, tous les êtres humains s’exposent davantage à se laisser entraîner par elle ; de plus, cette dynamique malsaine rejaillit sur les animaux, sur les végétaux et même sur les minéraux, comme le suggère ce verset : « Une fois arrivés, vous avez souillé Mon pays » (Yirmiya 2,7), suggérant que la terre elle-même fut souillée par l’impact des fautes. Par conséquent, c’est parce que la génération du Déluge était entièrement dépravée que les animaux eux-mêmes adoptèrent une attitude similaire à celle des hommes. C’est en corollaire du début du verset « D.ieu considéra que la terre était corrompue » – c’est-à-dire que parce que la nature profonde des hommes avait dégénéré – qu’il advint par la suite que « toute créature pervertit sa voie sur la terre », incluant même les animaux.

Mais d’un point de vue plus positif, de la même manière que les mécréants décuplent par leurs actes l’emprise des tentations, ainsi les justes accroissent-ils sur terre l’inclination au bien et aux bonnes actions. De fait, lorsqu’un homme réalise une mitsva, les conséquences de son acte rejaillissent sur le monde entier. Et quand bien même agirait-il isolément, son influence n’en est pas moins bénéfique pour l’ensemble du monde. [C’est en ces termes que le Ram’hal (Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato) formula cette notion : « Si l’homme se laisse entraîner par les attraits de ce monde et qu’il s’éloigne de son Créateur, il détériore sa propre personne et le monde entier. Mais s’il se domine et s’attache à son Créateur, s’il utilise ce monde-ci comme une aide dans le service de D.ieu, il s’élève lui-même et le monde entier s’élève avec lui » (Messilat Yécharim).]

A la lumière de ces éclaircissements, le passage talmudique suivant pourra être approché sous un nouveau jour : « Un Juste déclaré méritant reçoit au Gan ‘Eden sa propre part et la part de son prochain. Un mécréant déclaré coupable reçoit au guéhinom sa propre part et la part de son prochain » (‘Haguiga 15).  Or, de prime abord, pour quelle raison devrait-on attribuer à un homme une récompense pour des actes auxquels il n’a pas pris part ? Et pourquoi punir une personne pour des fautes qu’elle n’a pas commises ? En réalité, ceci s’explique par le principe établi plus haut : l’homme juste, en arrivant dans le Monde futur, pourra constater que des myriades de bonnes actions – qu’il n’a pourtant aucunement accomplies – lui sont attribuées. Et inversement, le fauteur verra des méfaits qu’il n’a absolument pas commis lui être imputés ! Et ce, en vertu des répercussions indirectes de leurs actions respectives, survenues grâce à leur influence sur le monde. C’est ainsi que l’homme méritant aura droit également dans le Monde futur à une part des actes de son prochain. De la même manière, le mécréant y sera châtié pour tous les actes dont il fut implicitement à l’origine.

Ce nouvel éclairage nous invite à réaliser l’ampleur des mitsvot. Chacune d’elles renferme un mérite extraordinaire : quel que soit le degré de son accomplissement, son impact contribue à sanctifier le monde entier. Inversement, quel immense gouffre ouvre chaque faute commise, amenant avec elle un lot de désolations qui se répandent ici-bas. Ces empreintes – positives comme néfastes – déteignent sur tous les domaines de la Création, depuis les hommes, les animaux jusqu’aux végétaux, car l’existence tout entière est tributaire des actions humaines.

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.

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