« Réouven l’entendit et le sauva de leurs mains » (Béréchit 37,21)
Chaque année, nous lisons l’épisode de la vente de Yossef pendant la période de ‘Hanouka. Le lien entre ces deux événements se retrouve également dans les exégèses de nos Sages. Le Midrach interprète en effet le verset de Chir haChirim (7,14) : « Les mandragores répandent leur parfum, à nos portes se montrent les plus beaux fruits » comme une allusion aux « bougies de ‘Hanouka, que l’on allume aux portes. » Quel lien unit ces mandragores – rappel manifeste de celles que Réouven offrit à sa mère – à la fête ‘Hanouka ?
Rav ‘Hanokh Erentroy explique dans son Qomets Min’ha l’idée suivante : dans la plupart des cultures, les fêtes nationales viennent généralement célébrer des victoires militaires. Nous serions donc portés à croire que la fête de ‘Hanouka commémore également la victoire éclatante de cette petite poignée d’hommes, dirigée par les ‘Hasmonéens, qui réussit à dominer la puissante nation grecque. Mais il n’en est rien : ces jours de gratitude furent instaurés en souvenir d’une discrète fiole d’huile – dissimulée dans un recoin du Temple – qui brûla plus longtemps que de coutume. A l’époque de ‘Hanouka, nous avons donc été les témoins d’un miracle révélé et d’un miracle voilé. Pourtant, nous limitons notre commémoration au miracle qui fut le moins ostensible. Notre rôle en cette fête consiste donc à célébrer le prodige de la fiole d’huile en le révélant publiquement. Cette notion constitue l’un des principes essentiels de la mitsva de ‘Hanouka : « divulguer le miracle » [pirsoumé nissa].
Revenons à présent à l’épisode où Réouven sauva son frère Yossef de la mort. De prime abord, il convient de comprendre pourquoi la Tora attribue ce sauvetage à Réouven : le puits dans lequel il suggéra de le jeter abritait en effet de nombreux serpents et de scorpions, pouvant causer sa mort. En outre, il ne put mener à terme son projet initial de retirer Yossef du puits, puisque ses frères l’avaient déjà sorti et vendu comme esclave. Pourtant, la Tora crédite Réouven de ce sauvetage, attestant par là que son intention était effectivement de « le sauver de leurs mains et de le ramener à son père ».En fait, la démarche de Réouven incarne l’adage talmudique : « Celui qui accomplit une mitsva secrètement, le Saint béni soit-Il la divulgue publiquement. » Le verset du Cantique des cantiques « Les mandragores répandent leur parfum…» rappelle par allusion la mitsva de Réouven, dont le Saint béni soit-Il nous informa en quelques mots dans la Tora. Dans le même ordre d’idées, la suite du texte – «…à nos portes se montrent les plus beaux fruits » – nous renvoie aux lumières de ‘Hanouka – fête pendant laquelle nous divulguons le miracle caché de la fiole d’huile, symbolisée par ces « beaux fruits » que l’on expose aux portes des maisons. ‘Hanouka est donc cette fête où l’on proclame publiquement les miracles secrets.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.