« Un nouveau roi s’éleva sur l’Egypte » (Chémot 1,8)
« Rav et Chmouel débattent au sujet de ce verset : l’un pense qu’il s’agissait véritablement d’un nouveau roi, le second estime que seuls ses décrets changèrent. » (Sota 11a)
Qu’un roi puisse à ce point changer d’attitude semble, selon rav Yéhouda Leib ‘Hasman (Or Yahel tome III), totalement irrationnel ! N’est-ce pas grâce à Yossef que l’économie égyptienne fleurit et prospéra pendant les années de famine ? De plus, lorsque Ya’aqov s’installa en Egypte, la bénédiction s’accrut encore davantage sur le pays, puisque les eaux du Nil montèrent à sa rencontre, mettant ainsi un terme à la période de famine. Et de fait, selon nos Sages (Midrach Tan’houma 5), Pharaon manifesta longtemps sa gratitude aux enfants d’Israël, se déclarant même prêt à renoncer à son trône pour éviter de leur causer du tort. Dans ce Midrach, nous apprenons que le peuple égyptien avait exigé du monarque qu’il attaque les enfants d’Israël, ce à quoi il avait rétorqué : « Jusqu’à présent, nous avons survécu par leur mérite, et vous voudriez maintenant que nous les attaquions ? » En raison de son refus, Pharaon fut destitué de son trône pendant trois mois, place qu’il ne retrouva qu’après s’être plié aux exigences de son peuple.
Si telle était l’estime du roi d’Egypte pour les Hébreux, comment s’explique ce soudain revirement ? La réponse est que l’ego de l’homme est continuellement tiraillé par des tendances contradictoires. Et dans des circonstances extrêmes, la violence de ces forces opposées se révèle au grand jour. En l’espace d’un instant, l’homme écartelé entre ses désirs et son devoir peut tomber de très haut, quittant des sommets spirituels pour sombrer dans un fossé d’ingratitude. Réciproquement, lorsqu’un homme souhaite s’extraire d’une situation spirituelle médiocre, on ne se contente pas de lui « ouvrir des portes » – c'est-à-dire l’autoriser à réaliser ses aspirations : depuis le Ciel, on va même jusqu’à l’encourager et à « l’aider » dans sa démarche (suivant l’expression talmudique Yoma 38b).
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.