Chemot. Par le mérite de nos pères

Le récit de la vie de Moché débute par le mariage de ses parents, Amram et Yohéved. Il est dit dans le Passouk « Un homme de la maison de Lévi est allé, il prit la fille de Lévi (comme épouse) » (Exode 20,2).

Si, le but est de décrire l’ascendance de Moché, alors pourquoi la Torah ne prend-elle pas la peine de désigner par leurs noms ses parents ?  Si l’intention du verset est autre, il faut tenter de la découvrir. Le Ramban (Nahamaide) se penche déjà sur cette question et propose plusieurs explications.Nous allons tenter d’y répondre en suivant le parcours de Moché durant ses jeunes années. Recueilli et même nommé par la fille de Pharaon, il grandit dans son palais et fut certainement exposé aux mœurs dégradées qui régnaient dans l’Egypte antique. Dans sa jeunesse Moché ne vit ni sage ni même de Beth hamidrach (lieu d’étude). Dans ces conditions et surtout avec sa sagesse extraordinaire il aurait été naturel qu’il devienne un ministre puissant et influent complètement déraciné de son peuple et sa religion. Contre toute attente, Moché notre maître atteignit un niveau inégalé jusqu’à aujourd’hui et fut l’intermédiaire par lequel nous avons reçu la Torah. Comment comprendre ce paradoxe ?

C’est peut-être cela que la Torah a voulu nous montrer en taisant le nom des parents de Moché pour mettre en relief ses nobles origines : la maison de Lévi. Par son travail sur soi, Lévi avait acquis pour sa descendance des forces qui se sont réveillés chez Moché dans toute leur ampleur au moment où il sortit et vit la souffrance de ses frères. Amram et Yohévèd, n’avaient pu en l’espace du bref temps à leur disposition donner à leur enfant le bagage dont il aurait besoin pour surmonter les dangers de sa vie, en se mettant au service divin. Ce sont avec les qualités hérités de son ancêtre, et son éducation si vite interrompue que Moché parvint à sortir de la maison du Pharaon pour devenir le plus grand des dirigeants du peuple juif. C’est très certainement une explication et un réconfort pour ceux qui dans notre peuple retournent à la tradition alors que rien dans leur éducation ne les prédisposait à cela. Moché aussi a suivi la même voie, et dans les veines de nous tous coule ce même sang imprégné des qualités héritées de nos patriarches Avraham, Itshak et Yaacov.

La Torah rapporte que trois mois après sa naissance, Moché fut déposé dans le Nil et récupéré par la fille du Pharaon, apitoyée sur son sort. Le verset dit « Sa sœur (de Moché) dit à la fille de Pharaon : Irai-je t’appeler une femme nourrice parmi les Hébreues ? Elle t’allaitera l’enfant (Exode 20,7) ». La fille de Pharaon acquiesça et c’est ainsi que Moché fut nourri par sa propre mère.Manquait-il de nourrices Egyptiennes ? Pourquoi fallait-il forcément rechercher une femme Hébreue ?Rachi explique qu’elle l’avait présenté à de nombreuses femmes Egyptiennes pour qu’elles l’allaitent, mais il avait refusé, étant destiné à converser avec la présence divine. Cet enseignement est rapporté dans le Talmud (Sota 12b) qui qualifie le lait des égyptiennes de chose impure. Le verset dit « Ne rendez pas vos âmes exécrables par toute la vermine qui rampe, et vous ne vous rendrez pas impurs par eux, vous seriez impurs par eux » (Lévitique 11,43). Le mot « impur » de la fin est rendu du mot Venitmeytem auquel il manque un alef. Nos sages ont donc interprété ce mot en le lisant Venitamtem, qui veut dire obstruer (Yoma 39,1). En d’autres termes, les aliments impurs ont un effet négatif sur l’âme et sur la sainteté des personnes en empêchant l’accès à la sagesse de la Torah. Le Talmud de Jérusalem rapporte que la mère d’Elicha Ben Avouya surnommé Aher (l’autre) en raison de ses mauvaises actions, était passée enceinte devant un temple d’idolâtres profitant de l’odeur des encens qui s’en dégageait. C’est la raison pour laquelle Elicha Ben Avouya avait tourné le dos à ses maîtres des années plus tard, malgré ses vastes connaissances en Torah.

On voit donc que la seule odeur de la faute peut avoir des conséquences désastreuses. Moché n’aurait commis aucune faute en buvant le lait d’une Egyptienne, vu son jeune âge et le fait qu’il se trouvait dans une situation de danger. Il était cependant d’une importance capitale de veiller à ce qu’il n’absorbe aucun aliment impur.Par quel miracle ce bébé savait refuser le lait impur malgré sa faim ?En réalité, Yohévèd avait mis un soin particulier à lui éviter tout contact avec des choses impures en surveillant de très près son alimentation. Ses efforts, au maximum de ses possibilités bien que sur une durée réduite, ont eu pour effet une sainteté accrue sur le jeune enfant qui lui faisait repousser de manière instinctive toute nourriture inadaptée. Il apparaît que les premières années de la vie d’un enfant ont une influence capitale sur son développement spirituel. En prenant garde dès le début et en mettant à contribution tous les moyens possibles, les parents bénéficieront d’une aide du ciel au-delà de la normale.

Le Ram’a écrit la Halaha suivante : le lait d’une Egyptienne est considéré comme le lait d’une Juive, cependant il ne faut pas faire téter un enfant d’une Egyptienne s’il est possible de trouver une Juive. Car, le lait d’une non juive obstrue le cœur et engendre un mauvais caractère » (Yoré Déa 81,67). Le Gaon de Vilna nous révèle que la source de cette loi se trouve être dans l’épisode que nous avons vu au sujet de Moché qui refusa de téter d’une non-juive jusqu’à ce qu’on le présente à sa mère, étant destiné à converser avec la présence divine (Chehina). Ce qui est étonnant, c’est que justement l’histoire de Moché devrait nous prouver le contraire ! Moché allait parler avec la Chehina et c’est pourquoi il fallait éviter qu’il boive le lait d’une non juive, mais comment déduire de cette histoire une règle générale pour tous les enfants ? Nous constatons que pour chacun des bébés du peuple juif nous devons agir comme s’il allait parler avec la Chehina en grandissant. En chaque enfant, il y’a un potentiel énorme, devenir comme Moché ! C’est ce qu’écrit le Rambam (Maimonide) « Chacun peut devenir comme Moché notre maître ! » (Hilhot Téchouva 5,2). Il est donc évident qu’il faille prendre garde à l’alimentation d’un nourrisson qui va peut-être parler à la Chehina. Certains se permettent de donner aux petits des denrées qu’eux-mêmes n’auraient pas consommés. De ce texte, il ressort que l’inverse serait plus juste ! Les enfants ont encore une grande chance d’arriver au degré de Moché et c’est une raison de plus pour veilleur à ce qu’ils mangent !

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