« Ôte ta chaussure de ton pied, car l’endroit que tu foules est un sol sacré ! » (Chémot 3,5)
« En tout endroit où la Présence divine se manifeste, il est interdit d’y porter des chaussures. C’est pourquoi Yéhochoua’ fut aussi tenu de les ôter. Et c’est pour cette raison que les Cohanim assuraient pieds nus leur service dans le Temple. » (Midrach Rabba)
Dans son livre de prières Cha’ar haChamaïm, le célèbre auteur du Chlah, rav Icha’ya HaLévi Horowitz, formule l’idée suivante : « Lorsqu’on termine la bénédiction du matin “Qui subvient à tous mes besoins“, on met ses chaussures. Or il convient de comprendre, à l’aide d’une explication rationnelle, le lien entre cette bénédiction et le fait de chausser des souliers. Mon maître, le Gaon et Juste, le Maharchal, m’a enseigné que cette idée correspond aux paroles du roi David lorsqu’il énonce les qualités de l’être humain : “Tu l’as créé presque à l’égal des êtres divins. (…) Tu lui as donné l’emprise sur l’Œuvre de Tes mains et Tu as tout fait ployer sous ses pieds (…)“ (Téhilim 8,6-9). Le principe qui se dégage de ces versets est que le Saint béni soit-Il partagea l’Œuvre de la Création en quatre règnes : 1. Les minéraux. 2. Les végétaux – qui poussent sur les premiers et en tirent leur subsistance. 3. Les animaux – qui dominent les végétaux et s’en nourrissent. 4. L’être parlant – à savoir l’être humain qui domine les animaux, consomme leur chair et les utilise. C’est en ce sens que le verset dit : “Tu as tout fait ployer sous ses pieds“ et ce, parce qu’il domine le règne animal – “brebis et taureaux, tous ensemble…“ – et à plus forte raison les règnes des végétaux et des minéraux qui lui sont inférieurs. Il s’avère donc que la Création toute entière se trouve sous la domination de l’être humain. Et lorsqu’un homme prend une peau de bête et l’utilise pour se confectionner des chaussures, il exprime en actes sa domination absolue sur les éléments de la Création. Voilà pourquoi, au moment où l’on se chausse, on prononce la bénédiction : “Qui subvient à tous mes besoins“. »
A la lumière de ces explications, rav Yossef Salant (Béer Yossef) envisage avec un regard nouveau l’interdiction de porter des chaussures dans des lieux sacrés. Le Talmud de Jérusalem (Chabbat 10,3) formule une idée qui en complète le tableau : « On disait d’El’azar le Cohen, fils d’Aharon, qu’il était chargé d’huile dans sa main droite, d’encens dans sa main gauche, des oblations du sacrifice perpétuel sur son bras et de l’huile d’onction à sa ceinture. Penserais-tu qu’il travaillait tant parce qu’il n’occupait aucune fonction importante ? Pourtant, Rabbi Yéhochoua ben Lévi dit bien : Il est écrit : “Le chef général des Lévites était El’azar, le fils d’Aharon“ (Bamidbar 3,32) – c'est-à-dire qu’il était le chef des chefs. Et Rabbi Yéhouda béRabbi renchérit : Il était un Amarkel [haut responsable]. Pourquoi l’appelait-on ainsi ? Parce qu’il se montrait rude [mar] avec tous [kol]. [Revient donc la question : pourquoi était-il tant chargé ?] C’est parce qu’aucune dignité n’a cours dans la demeure du Roi ! »
Une idée semblable se retrouve dans le Midrach Rabba (fin de la paracha de Bamidbar) : « Vois quelle autorité El’azar possédait ! Et crois-tu que, parce qu’il était un personnage important, il laissait les autres porter ? (…) Non, lui-même portait les charges (…) pour t’enseigner qu’il n’y a pas de dignité devant l’Eternel ! »Après avoir établi que le port des chaussures souligne la primauté de l’être humain sur toute la Création, il est donc naturel de le proscrire partout où la Chékhina se manifeste. Parce que les privilèges s’annulent dans la maison de D.ieu, il convient d’y effacer toute manifestation de supériorité. A cet égard, le Midrach (ibid.) nous apprend également que même les Léviim, simplement chargés de transporter les instruments du Sanctuaire dans le désert, étaient eux aussi tenus de garder les pieds nus.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.