« Tu raconteras en ce jour à ton fils » (Chémot 13,8)
La Haggada de Pessa’h, écrite et compilée par nos Sages pour accomplir la mitsva de « raconter à nos fils », constitue selon rav Eliyahou Dessler (Mikhtav méEliyahou tome IV p.249) une référence en matière d’éducation et d’instruction religieuses. L’un des principes éducatifs qui s’en dégagent – parmi tant d’autres – se trouve dans le célèbre passage de Ma Nichtana : on y découvre que c’est par le biais de questions-réponses qu’un message est le mieux transmis, notamment du fait que c’est l’enfant lui-même qui suscite le dialogue en interrogeant ses parents. En outre, la Haggada souligne l’importance de la e représentation concrète des leçons : chaque chose y est montrée du doigt comme « cette matsa », « ces herbes amères » ; ou encore par des images qui mettent en scène le vécu de l’enfant : « Dans chaque génération, l’homme doit se voir comme s’il était lui-même sorti d’Egypte… », « Si D.ieu ne nous avait pas délivrés, nous serions nous-mêmes et nos enfants encore asservis à Pharaon en Egypte. »
Dans le passage de « Dayénou – cela nous aurait suffi », nous dressons une longue énumération des bienfaits de D.ieu à notre égard. De la sorte, nous revivons la grande épopée du peuple juif, selon une liste organisée et exhaustive d’événements successifs, rendue de ce fait plus accessible aux jeunes enfants. En effet, une leçon comportant de nombreux détails est difficile à assimiler, si on la présente de manière trop compacte. Par ailleurs, nous concluons ce passage en disant : « Combien devons-nous plus encore être reconnaissants envers D.ieu (…) » En reprenant tous ces points séparément, on sensibilise l’enfant à saisir l’immense générosité de D.ieu et à l’imprégner de ce sentiment. Et ainsi, tout au long de son récit, la Haggada se révèle être un remarquable système pédagogique fidèle à l’optique de la Tora.
Cependant, une décision talmudique liée à ce thème – et citée par le Rambam – mérite des éclaircissements. La Guémara dit en effet : « Si un homme n’a pas d’enfant et qu’il n’est pas marié, il devra se poser les questions à lui-même. Car même deux érudits doivent se poser les questions l’un à l’autre. » Or il convient de comprendre : comment une même formulation pourrait-elle convenir à la fois à un enfant et à un érudit ? Ne serait-il pas plus approprié de laisser chacun s’exprimer selon son niveau ?
C’est qu’en fait, la mitsva essentielle de cette soirée consiste à imprégner notre cœur de la réalité des événements. Certes, l’esprit humain peut atteindre des sommets d’intelligence, mais par ailleurs, chacun garde toujours au fond de lui une part d’immaturité, voire d’incrédulité. Pour qu’un récit s’imprègne dans notre cœur comme une réalité tangible, il convient de le présenter exactement comme on le fait pour un enfant. Toute personne désireuse de se renforcer dans sa émouna devra prendre conscience de ce principe, car c’est là une réalité élémentaire pour tout un chacun.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.