« Les enfants d’Israël quittèrent Ramsès » (Chémot 12,37)
Année après année, nous lisons ces versets presque machinalement, sans approfondir suffisamment le formidable message qu’ils renferment : « Les enfants d’Israël quittèrent Ramsès dans la direction de Soukot, six cent mille voyageurs hommes sans compter les enfants. » Or ce récit est incontestablement matière à étonnement, et donc à réflexion : voilà qu’un peuple composé de plusieurs millions de personnes – puisqu’il convient d’ajouter aux six cent mille hommes de vingt à soixante ans, le même nombre de femmes environ, sans parler des enfants – quitte d’un même mouvement le pays qu’ils habitaient depuis plusieurs générations ! Les nourrissons sont portés dans les bras, tous leurs biens ont été rassemblés puis entassés dans des chariots. On quitte sa maison et l’on rompt définitivement avec sa vie quotidienne. Or dans quelle direction tout ce peuple se dirige-t-il ? Vers le désert ! Où trouvera-t-il sa subsistance, comment nourrira-t-il ses enfants ? Comment étanchera-t-il sa soif dans cet immense désert aride ? Où se mettra-t-il à l’abri des tempêtes de sable, du soleil brûlant et des nuits implacables ? Selon les règles de la nature, ce départ était synonyme de suicide.
Dès les premiers instants, les nations du monde aboutirent effectivement à cette conclusion : « Ce peuple se dirige vers sa propre mort dans le désert » (Chémot Rabba 25). Et de fait, quel aurait été le sort de ces millions de personnes si la Manne n’était pas tombée du ciel ? Que serait-il advenu d’eux si le rocher de granit ne s’était pas transformé en eau, et si les Nuées de Gloire ne les avaient pas protégés des dangers naturels ? Or, c’est sans protester, sans même poser ces questions hautement pertinentes, que les enfants d’Israël acceptèrent de sortir d’Egypte ! Mais où est donc le problème ? D.ieu ne l’a-t-Il pas explicitement ordonné à Moché ? « Ils ne s’étaient pas munis de provisions » (Chémot 12,39), ce qui témoigne « des qualités morales des enfants d’Israël, qui ne se demandèrent pas : “Comment irons-nous dans le désert sans provisions ?“ Ils sortirent en toute confiance » (Rachi et Mékhilta).
Que mangerons-nous ? Emouna ! Que boirons-nous ? Emouna ! Car même en Egypte, où l’eau ne fait généralement pas défaut, voilà qu’elle se change d’un seul coup en sang ! Rien n’échappe à la volonté de D.ieu, « Qui change le rocher en nappe d’eau, le granit en sources jaillissantes ! » (Téhilim 114,8). Qu’importe donc de se munir de provisions ? Pour tout bagage : « Les restes de leur repas sur leurs épaules, enveloppés dans leurs manteaux » (Chémot 12,34) – « Il s’agit des restes de la matsa et des herbes amères. » Tout ce peuple transporte sur ses épaules les restes des mitsvot de la veille, et ce, « bien qu’ils eussent emporté de nombreuses bêtes avec eux, parce qu’ils chérissaient particulièrement les mitsvot » (Rachi et Mékhilta). Voilà une bouleversante démonstration de émouna, qui unit tout un peuple et lui dicte son nouveau mode de vie ! Cet instant fut en effet une heure de gloire pour le peuple juif : sa confiance aveugle reste à jamais gravée comme un mérite éternel pour sa descendance, comme l’annonça D.ieu, simultanément avec des paroles de remontrance : « Va proclamer aux oreilles de Jérusalem ce qui suit : “Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps des fiançailles, quand tu Me suivis dans le désert, dans une région inculte“ » (Yirmiya 2,2-3). Car « lorsqu’Israël sortit d’Egypte, la maison de Ya’aqov du milieu d’un peuple barbare, Yéhouda Lui fut sanctifié, Israël devint Son empire » (extrait de la prière du Hallel, tiré des Téhilim 114,1-2).
Voilà à quels formidables degrés de foi et de confiance en D.ieu ces hommes et ces femmes accédèrent, confirmant l’héritage d’Avraham leur ancêtre, le premier à avoir manifesté une profonde émouna dans le Créateur : « Il eut foi en l’Eternel, et l’Eternel le lui compta comme un mérite » (d’après Chabbat 97a). Telle fut la leçon que le peuple hébreu dégagea de tous les prodiges d’Egypte : une émouna totale et palpable – celle du juste « qui vit par sa ferme confiance » (‘Habaqouq 2,4).
(Tiré de biNtivot haEmouna [tome II p.74])
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.