« Quiconque touchera à la montagne sera mis à mort » (Chémot 19,12)
Cette injonction amène le ‘Hafets ‘Hayim à tenir le raisonnement suivant : si déjà une montagne – corps insensible et dénué de sagesse – fut sanctifiée par le Don de la Tora au point que nul ne put y toucher, l’érudit – qui est doté de sensibilité et qui s’imprègne des enseignements de la Tora – à plus forte raison sera-t-il interdit de lui faire subir le moindre affront !
Rav Its’haq Chlomo Oungar chlita raconte une histoire édifiante datant de l’époque où son père, l’auteur du Ma’hané Avraham, était rav de la ville de Kupvar. Dans cette petite commune vivaient cent vingt familles juives, parmi lesquelles vingt-six transgressaient publiquement le Chabbat et ouvraient leur boutique en ce jour saint. La plupart de ces Juifs étaient de parfaits incultes en matière de Tora, et ils étaient si éloignés des valeurs du judaïsme qu’il eut été parfaitement inutile d’engager avec eux une conversation à ce sujet. Il y avait cependant une exception : l’un de ces commerçants avait été un jour respectueux des mitsvot, et s’en était détaché par pur esprit de rébellion. Cet homme possédait un grand magasin de tissus dans le centre-ville, et chaque Chabbat, lorsque les fidèles sortaient de la synagogue, il se tenait hautain sur le pas de sa boutique en fumant une cigarette. Son insolence était telle qu’à chaque Juif qui passait par là, il lançait un retentissant « Chabbat Chalom »… En règle générale, le rav de la ville s’abstenait d’emprunter la route qui passait devant sa boutique.
Jusqu’à un certain jeudi, premier jour de la fête de Pessa’h. Ce jour-là, rav Oungar, accompagné de son jeune fils Its’haq Chlomo, vint à passer devant le magasin de ce triste individu. En voyant le rav, ce dernier l’interpella avec la plus grande insolence : « Oungar, viens donc par là ! » Poli, le rav s’exécuta. Le commerçant le pria alors de le suivre dans sa boutique, et se rendant jusqu’à son comptoir, le rebelle en sortit une matsa et une grosse miche de pain, et lui lança : « Vous voyez ? C’est bien du ‘hamets ! » Puis d’un seul coup, l’homme mordit à belles dents dans les deux morceaux de pains, simultanément dans le ‘hamets et la matsa. Pétrifié par tant d’effronterie, le rav ne parvint pas à sortir un seul son de sa bouche…
Mais soudain, avant même qu’ils n’aient pu reprendre leurs esprits, le rav et son jeune fils virent l’homme s’effondrer sous leurs yeux, terrassé par une crise d’apoplexie. En quelques secondes seulement, un cadavre était couché devant eux, à même le sol !
Cet événement suscita une grande effervescence dans la petite ville. Si certains virent là une réelle sanctification du Nom de D.ieu [Qidouch Hachem], d’autres n’hésitèrent pas à critiquer ouvertement le rav sur sa rectitude. Le dimanche suivant, on procéda à l’enterrement du commerçant, auquel prirent part de nombreux Juifs des villages alentour. Etonnamment, le rav se joignit lui aussi à la procession funèbre. Lorsque son fils le questionna sur la raison de sa présence, il lui répondit que dans la mesure où un Qidouch Hachem avait eu lieu par l’entremise de cet homme, il possédait assurément quelque mérite ; ce qui justifiait qu’on lui rende un dernier hommage. Après cet événement, tous les magasins de la ville fermèrent le Chabbat.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.