Nitsavim. L’union – la condition de notre survie

« Vous vous tenez aujourd’hui, vous tous, en présence de l’Eternel votre D.ieu » (Dévarim 29,9)

« Pourquoi cette section de la Tora apparaît-elle à la suite des malédictions ? Car au moment où les enfants d’Israël entendirent les quatre-vingt-dix-huit malédictions de la section précédente – outre les quarante-neuf figurant dans le livre de Vayiqra –, leur visage blêmit et ils s’exclamèrent : “Qui pourra survivre à ces malédictions ?“ Moché les fit donc aussitôt appeler pour les rasséréner. Il leur dit : “Vous vous tenez aujourd’hui, vous tous… “ – à de nombreuses reprises, vous avez mis l’Eternel en colère et Il ne vous a pas pour autant exterminés, puisque vous vous tenez aujourd’hui tous devant Lui. » (Rachi au nom du Tan’houma)

A la lumière de ce Midrach, note rav Ya’aqov Neuman (Darké Moussar), une nouvelle lecture du verset s’offre à nous : « Vous vous tenez aujourd’hui vous tous » – c’est parce que « vous tous » êtes là, que vous avez le mérite de vous « tenir aujourd’hui ». Tant que les Juifs apparaissent comme un peuple uni et soudé, ils ont l’assurance de ne jamais être exterminés.Pour le Saba de Kelm, le fait d’être unis renferme un conseil avisé pour échapper à la rigueur du jugement de Roch Hachana. Il cite à ce sujet les propos du Tour dans le chapitre consacré à cette fête : « [La veille de Roch Hachana], on se baigne et on se coupe les cheveux, conformément au Midrach : “Le verset dit :

“Quel peuple est aussi grand [qu’Israël] ?“ – Rabbi ‘Hanina et Rabbi Yéhochoua’ l’interprètent ainsi : quelle nation égale ce peuple qui connaît la conduite de D.ieu ? Selon l’usage du monde, lorsqu’un homme doit être jugé, il se revêt d’habits noirs, s’enveloppe de châles noirs, se laisse pousser la barbe et ne se coupe pas les ongles, car il ignore quel sera son verdict. Mais les enfants d’Israël n’agissent pas ainsi : ils se revêtent d’habits blancs, s’enveloppent d’un châle blanc, se taillent la barbe et se coupent les ongles ; ils mangent, boivent et se réjouissent à Roch Hachana, car ils savent que le Saint béni soit-Il fera un miracle en leur faveur.“ C’est la raison pour laquelle nous avons la coutume de nous couper les cheveux et de laver nos vêtements la veille de Roch Hachana, et de manger en ce jour plus de repas que de coutume. »

A ce propos, le Saba de Kelm avançait l’idée suivante : bien que chaque individu soit tenu d’éprouver une grande crainte à l’égard du Jugement divin – sans s’en remettre au miracle –, l’ensemble de la nation juive a quant à elle l’assurance qu’un miracle sera opéré en sa faveur. Voilà donc un judicieux conseil à l’approche de Roch Hachana : s’efforcer autant que possible de se rattacher à la communauté. On se liera ainsi à une assemblée craignant le Ciel, ou l’on fera en sorte qu’elle ait besoin de nos services – par exemple en donnant des cours de Tora ou en contribuant activement aux organismes de charité. De cette manière, le particulier aura droit au même traitement que l’assemblée – qui a la certitude de bénéficier d’un miracle – et sera ainsi inscrit dans le Livre des Vivants. C’est en ce sens que la Tora précise ici : « Vous vous tenez aujourd’hui vous tous » – si vous tous formez une société unie à laquelle chaque particulier se rattache, vous vous tiendrez et vous survivrez, sans que les malédictions puissent vous atteindre.

Une question persiste néanmoins : comment peut-on atteindre ce niveau suprême, consistant à se fondre dans la masse et à aimer son prochain comme soi-même ? La réponse est : par la crainte du Jugement. Quand un homme évolue dans une atmosphère de peur intense – par exemple lorsqu’il se trouve face à une bête féroce –, son cœur se libère de tous les autres petits tracas qui l’occupent habituellement. Il en va de même pour chacun de nous : si l’on se remplit de crainte en sachant qu’on se tient devant le Maître du monde, toutes nos mesquineries égoïstes partiront automatiquement en fumée. Rabbénou Yona écrit à ce sujet dans le Cha’aré Téchouva : « Un homme, conscient de sa petitesse, déclara un jour devant D.ieu : “ Ta crainte suscite en moi des sanglots qui effacent tous mes autres sanglots ; l’angoisse qui m’étreint en réalisant mon incapacité à Te servir a écarté toutes mes autres angoisses.“ » De même, le ‘Hovot HaLévavot (Portique Ahavat HaChem chap.6) raconte qu’on trouva un jour un homme craignant profondément le Ciel en train de dormir en plein désert. On lui demanda : « Comment peux-tu dormir ici ? N’as-tu pas peur des lions qui fréquentent ces lieux ? » A quoi l’homme répondit : « J’ai trop honte que mon Créateur me surprenne à craindre un autre que Lui. »

Lorsqu’un Juif évolue dans la crainte de D.ieu, il n’aspire qu’à être en bons termes avec tous ses semblables. A cet égard, nous disons dans les prières de Roch Hachana : « Inspire Ta crainte, Eternel notre D.ieu, à toutes Tes créatures […] et elles s’uniront en un même groupe pour accomplir Ta volonté d’un cœur pur. » C’est seulement lorsque les hommes sont animés de la crainte de D.ieu et ont conscience de Sa puissance, qu’ils sont à même de s’unir et de devenir une société solidaire. Si un climat de crainte règne à l’approche du Jugement divin, chacun voudra s’unir au reste de la communauté. De la même façon qu’un homme perdu voyant passer quelqu’un au loin s’empresse de le rejoindre, nous-mêmes, si nous ressentons l’angoisse du Jugement divin, rechercherons également un appui chez nos semblables et n’hésiterons pas à nous unir à eux.

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.

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