Lois des 4 jeûnes
Rédaction réalisée par le Rav Yoel Hattab – correction et relecture Audelia Hattab
Lois des 4 jeûnes
Il est rapporté dans le prophète Zekharia (8, 19)
« Le quatrième jeûne, le cinquième jeûne, le septième et le dixième jeûne, seront transformés en joie, en allégresse et en fête solennelle pour la maison de Yehouda ». Le quatrième jeûne, c’est le jeûne du 17 Tamouz, le cinquième correspond à Ticha béAv, le septième c’est le jeûne de Guédalia et le dixième, celui du 10 Tevet. Ce verset ne suit pas la chronologie historique, mais suit l’ordre du calendrier où le mois de Nissane est compté comme premier mois de l’année. Ainsi, le mois de Tamouz représente le quatrième mois, Av le cinquième, le jeune de Guédalia tombe durant le mois de Tichri, le dixième mois se trouvant être le mois de Tevet.Si le verset avait suivi la chronologie historique, il aurait dû commencer par le jeûne du 10 Tevet. En effet, c’est à cette date que débuta le siège de Jérusalem qui se poursuivit pendant plus d’une année. Durant cette période, la famine sévit sur la ville sainte car aucun approvisionnement ne parvenait de l’extérieur. Chronologiquement, c’est ensuite, le 17 Tamouz que fut faite la première brèche dans les murailles de Jérusalem. En troisième position, on trouve le 9 Av, avec, à cette date, la destruction des deux Bet Hamikdach et enfin le jeune de Guédalia.
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Cette interprétation du verset est expliquée de cette manière par Rabbi Akiva. Mais Rabbi Chimon contredit cet avis. Selon lui, le verset suit bien la chronologie historique : le ‘’dixième jeûne’’ –à savoir celui du 10 Tévet- est en réalité le jeûne du 5 Tévet, jour durant lequel la population juive des autres pays apprit la destruction du Beth Hamikdach. Néanmoins, comme nous pouvons le déduire de la Guémara, nous suivons l’avis de Rabbi Akiva (donc, le ‘’dixième jeûne’’ est bien celui du 10 Tévet).
Les cinq malheurs du 17 Tamouz
Dans le traité Roch Hachana (18b) il est rapporté cinq évènements s’étant produits à cette date du 17 Tamouz :
1) Destruction des première tables de la Loi au lendemain du veau d’or. Le 7 Sivan, Moché Rabbénou monte pour recevoir les tables de la Loi. Lorsqu’il redescend, le 17 Tamouz, il voit que le peuple a fabriqué un veau d’or. Dans sa colère, il brise les tables de la Loi. Le peuple juif savait très bien qu’Hachem était le seul D., mais ils prétendaient qu’Hachem ne pouvait pas surveiller chacun. Ils avaient besoin d’un interprète qui prendrait la place de Moché Rabbénou. Ce fut une erreur de penser de la sorte car Hachem, dans Sa providence, protège chacun.
2) Epoque du premier Temple : annulation du sacrifice Tamid. Les commentateurs expliquent que ce sacrifice fut annulé à l'époque où les ennemis prirent d'assaut Jérusalem. Jusqu’à ce jour, les ennemis leur faisaient passer par-dessus les murailles, le bétail nécessaire pour le sacrifice Tamid, mais un jour ils leur expédièrent un cochon. C’est à ce moment-là que le sacrifice Tamid fut stoppé.
3) Brèche sur les murailles de Jérusalem
4) La Torah brûlée en public par Apostomos
5) Une idole placée dans le Hekhal. (Certains pensent qu’Apostomos lui-même plaça cette idole, d’autres pensent que cet acte fût réalisé par Ménaché.)
Question de la Guemara
Dans la même Guemara citée plus haut, le Talmud s’interroge : le verset nous dit « ce sont des jours de jeûnes » et ensuite « ce seront des jours de joie » n’est-ce pas une contradiction ? La Guemara de répondre : « En cas de décret sur le peuple juif, chacun est dans l’obligation de jeûner. C’est pour cela que le verset dit que ce sont des jours de jeûne. La fin du verset « se transformeront en jours de joie » fait référence aux époques où il n’y a pas de décret pesant sur le peuple juif. Ainsi celui qui veut jeûner jeûnera, mais celui qui ne veut pas, il en est dispensé. » Cette interrogation paraît incompréhensible car le verset est clair : aujourd’hui ce sont des jours de jeûne mais par la suite ils se changeront en jours de joie ! Le Beth Yossef aussi s’arrête sur cette question mais répond que le Talmud s’interroge en fait à propos des termes « quatrième jeûne etc. » faisant référence au mois de l’année ; pourquoi ne pas employer les termes adéquats à savoir « le quatrième mois etc. » ? Le Maharcha aussi s’interroge à ce sujet et nous explique : le verset cité est énoncé par le prophète Zekharia, qui vécut durant la période intermédiaire séparant le premier du second temple. Mais, entre temps, le second temple fût également détruit. C’est ainsi que la Guémara se demande : « Que veut nous dire qu’ils se changeront en jour de joie ? D’autres catastrophes se sont produites entre temps ? » C’est pour cela que la Guemara s’est vu d’expliquer le verset et de dire que tout dépendra de l’époque (si la génération est acteur de décret sur le peuple juif).
Sans décret, dispensé ?
Comme nous l’avons dit précédemment, selon la Guemara, à une époque où il n’y a pas de décret « spirituel » sur le peuple Juif, chacun pourra choisir de jeûner ou pas. De nos jours, nos Sages ont institué que nous sommes tous dans l’obligation de jeûner. C’est ainsi que le Choulhan Aroukh, Siman 549, nous dit que chacun est obligé de jeûner pour ces 4 jeûnes et que celui qui s’en décharge se verra s’appliquer à son sujet le verset : « celui qui renverse une clôture, le serpent le mord » Kohelet (10, 8).
La coutume des femmes Achkénazes
Il est rapporté dans le livre Piské Tchouvot au nom de plusieurs Admourim que des femmes étant susceptibles de tomber enceinte ne jeûnent pas afin de garder leurs forces. Il est évident que cette coutume touche uniquement les femmes mariées se trouvant dans cette situation. Cette coutume s’est cependant élargie et dispense aussi des jeunes filles qui ne sont pas encore mariées ! Selon la coutume, cela concerne uniquement les femmes mariées ayant la possibilité de tomber enceinte. En revanche, une femme qui n’est plus en âge de tomber enceinte est dans l’obligation de jeûner.
Chez les Séfaradim nous n’avons pas cette coutume. On ne fait pas de différence entre les femmes et les hommes, nous sommes égaux ! Donc, une jeune-fille, dès l’âge de 12 ans, est dans l’obligation de jeûner.
Femmes enceintes
Une femme enceinte est dispensée du jeûne. Une femme est considérée comme telle selon la Halakha à partir de trois mois. C’est le temps nécessaire pour identifier la présence d’un fœtus dans le ventre. Donc, avant les 3 mois de grossesse, une femme doit jeûner. Cependant, si elle ressent une faiblesse ou qu’elle a des nausées, elle pourra manger après les 40 premiers jours de grossesse.
Allaitement
La Halakha nous dit qu’une femme qui allaite ne jeûnera pas durant 24 mois. La Guemara explique que c’est seulement après 24 mois, que les organes se repositionnent. Aujourd’hui, avec les progrès de la médecine, les médicaments prescrits renforcent beaucoup la femme. Alors qu’en est-il d’une femme qui arrête d’allaiter[1] ? Se tiendra-t-elle sur les enseignements de nos Sages et ainsi ne jeûnera pas durant 24 mois, ou se basera t’elle sur les avancées de la science, qui permet de rendre la femme plus forte après un accouchement (elle se rend au travail, sort dans les magasins etc.), et lui permettrait éventuellement de jeûner ? Le Maharcham, tranche que le laps de temps de 24 mois demeure toujours, même si elle n’allaite plus. Le Even Israël ne pensait pas de cette manière, mais lorsqu’il vit ce que dit le Maharcham, il se rangea à son opinion. De cette manière, Maran Harav Ovadia Yossef Zatsa’l trancha la Halakha il y a de cela 50 ans. Nous l’avons nous-mêmes écrit dans le Yalkout Yossef. Mais par la suite, on lui fit remarquer les termes employés par le Choulhan Aroukh « Kédé kyoum Havlad » : elle mangera pour que le nourrisson puisse se maintenir et avoir ce dont il a besoin ». Selon cela, il se peut que le Choulhan Aroukh tranche la Halakha surtout au sujet d’une femme qui allaite et doit nourrir son enfant. Dans le cas contraire, elle devra jeûner. Même si nous pouvons expliquer le Choulhan Aroukh en disant que ces termes concernent une femme enceinte et non pas une femme qui allaite. Maran Harav jugea aussi sur la réalité actuelle à savoir que les femmes d’aujourd’hui sont en bien meilleure santé qu’aux époques précédentes. Ainsi, si elle se sent bien elle jeûnera. Si, par contre, elle se sent faible, elle ne jeûnera pas.
Un malade
De nos jours, il est courant de rencontrer certaines personnes très âgées. Comme le Gaon Harav Steinman zatsa’l qui vécut 104 ans. A l’époque, une personne pouvait avoir un problème de cœur et mourir peu de temps après. La génération est donc différente à ce niveau là, par rapport aux époques précédentes.
Concernant un malade, il faut savoir que lorsqu’il s’agit d’institutions Rabbiniques, cela ne concerne pas des personnes malades comme nous le dit la généralité Bimkom Tsaar lo gazrou ‘Hakhamim, en cas de souffrance, nos Sages ne décrétèrent pas. Ainsi, une personne malade sera dispensée du jeune. Elle n’aura pas besoin de demander l’avis d’un médecin, tout dépend de son ressenti.
Paradoxalement, concernant le jeûne de Kippour, la personne se doit de consulter l’avis d’un médecin, afin de savoir si le jeune pourrait lui causer un danger. Même si le médecin lui dit qu’il y a juste un simple risque de danger, dans le doute, il ne jeûnera pas.
Quant aux autres jeûnes, la personne connait son propre état. Le fait d’être malade, même sans être en danger, l’exemptera du jeûne.
Les préposés à la circoncision
Il est enseigné dans le traité Ketoubot[2], ainsi que dans le traité Pessahim[3], qu’il n’y a pas de joie sans nourriture et boisson. Selon ceci, les préposés à la circoncision à savoir le père de l’enfant, le Sandak et le Mohel sont exemptés du jeûne, car il s’agit d’un Yom Tov pour eux. Mais il faut savoir que cette autorisation concerne uniquement les jeûnes du 17 Tamouz et du 9 Av cette année car ces deux jeûnes sont repoussés. En effet, le Ritva ainsi que le Némouké Yossef tranche qu’un Yom Tov d’un particulier ne repousse pas un deuil collectif. Ainsi, les préposés à la circoncision sont dans l’obligation de s’abstenir de manger et de boire lors des 4 jeûnes. Mais il s’agit uniquement des jeûnes lorsqu’ils tombent à la date exacte. Mais si la date est repoussée, ils seront exemptés.
Le Tour rapporte que le Ya’abetz[4] était une fois l’un des préposés à une circoncision. Il raconte, qu’après avoir prié la Téfila de Min’ha, il alla se laver puis alla manger. Il est dit que cette histoire s’est produite un jour de jeûne de Ticha béAv repoussé. Tel est l’avis du Radbaz au nom du Yaabetz. De même pour le jeûne du 17 Tamouz, s’il est repoussé, les préposés à la circoncision peuvent manger et boire. Mais nous apprenons de cette histoire que l’autorisation de manger pour les préposés à la circoncision entre en vigueur uniquement à partir de l’heure à laquelle on peut prier Minha. Le matin, ils devront suivre le public et jeûner.
Demander à être Sandak pour ne pas jeûner
Lors des élections du grand Rabbin de la ville de Néchér en Israël, deux Rabbanim étaient en lice : l’un était le chef de la sécurité de la ville (mais ayant passé ses examens écrits au Rabbinat, il obtint ses diplômes) et le second se trouvait être un Talmid ‘Hakham, quelqu’un qui savait comment répondre aux gens. Lorsqu’il fallait répondre que telle chose était défendue, il le disait de la façon la plus tendre possible. Il s’appelait le Rav Itshak Lévy Chlita. Le jour du vote, il y eut 8 voix contre 8. Il fallait donc un second vote. Ce second vote ne fût pas en faveur du Rav Itshak Levy : il était en effet remis après le jeûne d’Esther. Je devais donc me rendre la veille là-bas afin de parler aux électeurs, qui étaient pour la plupart, non-pratiquants, et leur parler favorablement du Rav ainsi que de ses projets. Je savais très bien que je ne pouvais être aussi persuasif en état de jeûne. Je téléphonais donc au Rav Oréne[5], lui demandant s’il avait une Brit Mila ce jour -là, et pour laquelle je pouvais éventuellement être le Sandak. Il me demanda alors de me rendre à une circoncision qui ne compterait qu’un nombre très restreint de personnes. De cette manière, je me suis trouvé exempté du jeûne et je pus parler comme il se devait aux electeurs. Baroukh Hachem, le Rav fut élu. Lorsque je me rendis à son « couronnement », des gens non-pratiquants me remercièrent pour mon acharnement à vouloir faire élire ce Rav.
Mais comme nous l’avons précisé plus haut, cette autorisation ne peut entrer en vigueur qu’à partir de l’heure à laquelle on peut prier Minha.
Les préposés à la circoncision à la synagogue
Lorsque le père de l’enfant ou bien le Sandak se trouvent à la synagogue (le matin de la Brit Mila), les fidèles ne diront pas tous les passages des supplications. Voici l’ordre : ils diront les supplications avec les 13 attributs de miséricorde (Youd guimél Midot). Ils sautent le passage de lédavid. Il reprennent de suite le passage « Al yédé Avadékha Hanéviim », « El Mélékh », « anché émouna avadou », « Tamahnou méraot », et ensuite ils dépasseront depuis « véhou Ra’houm ». A Minha, leur Yom Tov est toujours présent, même après la Brit Mila. Ainsi, les fidèles ne diront pas de supplications. On agit différemment dans les communautés Achkénazes, car leur Yom Tov dure jusqu’à la Brit Mila elle-même. Après cela, les fidèles diront les supplications même s’ils sont présents.
Circoncision avant Minha
Lorsqu’une Brit Mila tombe un jour de jeûne, par exemple le jour de Ticha béav, font la Brit Mila suivie de Minha, et Arvit, puis organisent un repas pour la fin du jeûne. A ce sujet, le Or Zaroua nous enseigne qu’une Brit Mila faite après la mi-journée (‘Hatsot) est considérée comme une Mitsva mise de côté, dénigrée. D’ailleurs, Maran Harav écrit dans son responsa Yabi’a Omer[6], que selon cet avis, on ne doit pas attendre la mi-journée pour faire la Brit Mila, mais celle-ci doit être faite tôt.
Lorsque les petits-enfants de Maran Harav firent la Brit Mila de leurs enfants, il leur conseilla d’accomplir la Mitsva suivie du repas au matin. Par la suite, on informa Maran HaRav que cela dérangeait le programme du Kollel[7] : une Brit Mila organisée le matin vers 10h perturberait l’étude du Collel. De plus, les invités- pour la plupart- offrent de l’argent ce qui aide les parents à payer les dépenses de la Brit Mila. Maran Harav fut alors d’accord d’organiser les Brit Milot même après la mi-journée. Ceci est d’ailleurs compréhensible, car l’avis du Or Zaroua concerne une personne qui souhaite délibérément dénigrer cette Mitsva en la réalisant plus tard. Mais ici, l’heure fixée n’est pas là pour laisser de côté cette Mitsva, mais bien pour des raisons importantes telles que l’étude de la Torah.
Il en est de même pour les jours de jeûne : le fait d’organiser plus tard, afin que le repas soit organisé à la fin du jeûne, c’est permis.
L’heure de la fin du jeûne
Nous ne sommes pas obligés d’attendre l’heure de Rabbénou Tam pour finir le jeûne. Même le Chabbat, selon la loi stricte, il nous suffit d’attendre 20 minutes après le coucher du soleil. Il est bien de rajouter la Tosséfét Chabbat. Mais il suffit d’une minute ou deux de plus[8]. Ainsi, pour la sortie de Chabbat, 21-22 minutes après le coucher du soleil. Mais pour la fin du jeûne c’est bien 20 minutes après le coucher du soleil.
Israël-Amérique
Si une personne voyage d’Israël pendant le jeûne et arrive aux Etats-Unis en pleine journée, alors qu’en Israël le jeune est déjà terminé, elle attendra l’heure de la fin en Amérique. En effet, on s’appuie sur l’heure où l’on se trouve et non-pas selon l’endroit où la personne a commencé le jeûne. Il existe d’ailleurs une discussion à ce sujet selon le changement d’horaire pour une personne qui voyage, mais la Halakha est tranchée comme nous l’avons dit.
Les enfants
Lorsque l’on parle d’un « enfant » il s’agit d’un enfant âgé de moins de 13 ans. Selon le Elia Rabba, un enfant en-dessous de l’âge de la Bar-Mitsva n’a donc pas besoin de jeûner. Tel est l’avis du Pri Mégadim et d’autres A’haronim. D’autres pensent que pour éduquer l’enfant il devra jeûner. Mais la Halakha est tranchée comme le Elia Rabba.
Il existe une discussion si les parents ont une Mitsva d’éduquer leurs enfants sur les Mitsvot d’ordre Rabbinique. Selon la Halakha nous devons aussi éduquer nos enfants sur de telles Mitsvot. Alors, pour quelle raison ne pas apprendre à notre enfant à jeûner ? La réponse est que nous attendons la délivrance à chaque instant. Il ainsi possible que l’année suivante on n’ait plus à jeûner[9], alors pourquoi l’éduquer à jeûner ?
Quoi donner ?
Selon le Mahari miPano, on doit donner à l’enfant uniquement du pain et de l’eau. Mais selon le Magen Avrahamet et le Hida, étant donné qu’ils ne mangeront pas de tels aliments, on aura le droit de leur donner tous genre d’aliments. Mais on évitera de leur donner des sucreries, comme des bonbons ou bien de la glace.
Considération d’un jeune repoussé
Il existe une discussion sur la façon de considérer un jeune repoussé. Doit-on le considérer comme un jeune ayant été repoussé, déplacé de son jour initial, ou bien, étant donné que l’on ne jeûne pas Chabbat, on considère cela plutôt comme une occasion de se rattraper le lendemain ? Une différence entre ces deux considérations mène la Halakha, dans certains cas, à être tranchée différemment (plus communément appelé Nafka Mina).
Première Nafka Mina – une Bar Mitsva
Si le jour de la naissance d’un enfant est le 18 Tamouz, ou bien le 10 Av : treize ans plus tard, la Bar Mitsva sera en ce même jour. Si le jeûne, comme cette année, est repoussé au dimanche, donc au 18 Tamouz (pour le jeûne du 17 Tamouz) et 10 Av (pour le jeûne de Ticha béAv). L’enfant devra-t-il jeûner en ce jour (étant donné que c’est le jour où il rentre dans l’obligation de l’accomplissement des Mitsvot et donc des jeûnes) ? Si l’on considère un jeûne repoussé comme « remplacement », il devrait jeûner, car le jour du jeûne a « changé ». Si on le considère comme un « rattrapage », la veille il n’était pas dans l’obligation de jeûner, il ne le sera donc pas ce jour là aussi.
D’ailleurs il existe la même question au sujet d’un enfant qui perd un des sept proches pour lequel une personne doit s’endeuiller (son père, sa mère, son frère sa sœur etc.). Avant l’âge de la Bar Mitsva, il devra uniquement déchirer son vêtement. Mais pour ce qui est des coutumes du deuil en lui-même, comme s’assoir par terre par exemple, il en sera dispensé. Si cet enfant devient Bar Mitsva durant les sept jours de deuil, devra-t-il commencer le deuil et finir les jours qui restent ? Selon le Roch dans le traité Moéd Katane, il ne s’assoira pas à terre, car on s’appuiera selon son obligation du début du deuil : ayant été dispensé au début, il le sera tout au long des sept jours. En revanche, selon le Maharam miRottenbourg, il finira les sept jours. Maran Hachoulhan Aroukh[10] tranche comme l’avis du Rosh.
Seconde Nafka Mina – une femme ayant accouché
Il est rapporté dans la Halakha qu’une femme durant les 30 premiers jours après l’accouchement, ne jeûne pas le jour de Ticha béAv. Si le 30ème jour tombe le Chabbat et que le jeûne est repoussé au lendemain (dimanche) devra-t-elle jeûner ou bien étant donné que la veille elle était dispensée (le vrai jour du jeûne), elle l’est également le dimanche ? Cela diffère selon les différentes opinions que nous venons de citer : si l’on considère ce jeûne comme « déplacé » elle devra jeûner, mais s’il est considéré comme un « rattrapage », elle sera dispensée.
Troisième Nafka Mina – la semaine, précédent Ticha béAv (Chavou’a ché’hal bo)
Comme nous le savons, pour les Séfaradim, il est défendu de se laver à l’eau chaude, de se couper les cheveux et de laver ses vêtements, la semaine où tombe le 9 Av. Pour les Achkénazim, le fait de ne pas se laver et de ne pas se couper les cheveux, commence depuis le 17 Tamouz. Tel est l’avis du Rama[11]. Si l’on considère un jeune repoussé comme ayant « remplacé son jour », le dimanche étant le premier jour de la semaine, il n’y aura pas de « Chavou’a ché’hal bo ». Par contre, si on le considère comme un « rattrapage », le jeûne devait être en réalité le Chabbat. Ainsi, toute la semaine précédant ce jour est considérée comme étant Chavoua ché’hal bo, accompagnée des lois particulières de cette semaine-là (ne pas se laver etc.). Néanmoins, le Choulhan Aroukh tranche que dans le cas où le jeûne est repoussé, il n’y a pas de Chavoua ché’hal bo.
Le Choulhan Aroukh pense donc que le jour du jeûne, en l’occurrence dimanche est considéré comme « un jour de remplacement ».
Quatrième Nafka mina – un deuil en cachette
Lorsque Ticha béAv tombe Chabbat, comme cette année, le jeûne est repoussé au dimanche. Mais peut-être devrons-nous nous endeuiller même Chabbat, sur des choses qui n’ont pas été vues. Expliquons-nous : le jour du Chabbat, un endeuillé, ne devra pas s’endeuiller par des actions perçues aux yeux des gens. C’est pour cela d’ailleurs qu’il devra changer de chemise (celle qui est déchirée). Cependant, les signes de deuil non visibles devront être accomplis même pendant Chabbat (comme le fait qu’il est interdit à un endeuillé d’étudier la Torah. Il en sera de même le Chabbat). Devrions-nous dire la même chose pour le 9 av qui tombe le Chabbat ? Peut-être est-ce interdit d’étudier les choses défendues durant Ticha béAv ? La réponse diffère selon les avis : si l’on considère ce jeûne comme ayant « changé de jour », le Chabbat on n’aura aucun deuil à accomplir. Ce qui n’est pas le cas si ce jeûne est considéré comme un « rattrapage ». Le Choulhan Aroukh[12] quant à lui, tranche comme le premier avis.
Le Choulhan Aroukh pense que le jour du jeûne, en l’occurrence dimanche, est considéré comme « un jour de remplacement ».
Cinquième Nafka Mina – les préposés à la Brit Mila lorsque le jeûne de Ticha béAv est repoussé
Il faut savoir que lors d’un jeûne, comme nous l’avons expliqué plus haut, les préposés à la circoncision sont obligés de jeûner. Si l’on considère le jeûne de Ticha béav repoussé comme étant un « changement de jour », cette loi préserve sa rigueur même le dimanche (10 Av, jour du jeûne). Mais s’il est considéré comme étant un jour de « rattrapage » on se montre moins rigoureux, et on agit comme un jeûne plus simple. Ainsi, ils auront le droit de manger (à partir de l’heure de Minha[13]). C’est ainsi que le Choulhan Aroukh[14] .
Le Choulhan Aroukh pense donc que le jour du jeûne, en l’occurrence dimanche est considéré comme « un jour de rattrapage ».
Une contradiction ?
Si nous remarquons bien, concernant la semaine précédant un jeûne repoussé au dimanche, le Choulhan Aroukh tranche que l’on n’aura pas à accomplir les lois de cette semaine-là. En effet, il considère le jeûne repoussé comme un « changement de jour ». De même, concernant un deuil discret cité plus haut. Alors que dans le cas précédent, concernant les préposés à la Brit Mila, il considéra ce jour comme étant un « jour de rattrapage » ? Nous pouvons expliquer facilement que le Choulhan Aroukh tient la Halakha dans tous les cas comme la plus souple, et ne mit pas en relief la considération de ce jeûne repoussé.
Fin du Chiour