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De la beauté de l’allaitement

C’était l’un de ces moments sereins qu’une mère chérit tout particulièrement.
Assise sur le canapé, détendue, je berçais d’un bras mon bébé assoupi, repu après la tétée, et de l’autre, je tenais mon avant-dernier, qui me « lisait » une histoire dans son langage.
Mes enfants plus âgés étaient occupés à concrétiser leurs rêves grâce aux légos.
Un doux sentiment de plénitude m’envahit et je me souvins des paroles du roi David : « Heureuse est la mère des enfants. »1
 
L’expérience vécue par cette femme est commune à des milliers de mères juives de par le monde. Ce lien unique unissant la mère à ses enfants leur permettra, grâce à sa solidité, son intensité et sa profondeur, de faire face aux innombrables défis, qui jalonneront leur enfance et leur adolescence.
Lorsque D. donna l’ordre à Moché Rabénou de transmettre la Torah au peuple juif, Il s’exprima en ces termes :
« Ainsi tu diras à la maison de Jacob et tu parleras aux enfants d’Israël. »2
Nos Sages expliquent que l’expression « la maison de Jacob » fait référence aux femmes.
Moché reçut donc l’ordre d’instruire les femmes en premier lieu, car « ce sont elles qui introduisent leurs enfants dans l’étude de la Torah. »3

La Torah de la mère
La Michna4 énumère les différentes étapes de l’éducation d’un enfant.
À cinq ans commence l’apprentissage du ‘Houmach, à dix ans celui de la Michna. La responsabilité de l’observance des commandements repose sur l’adolescent à partir de l’âge de treize ans.
À quinze ans, on introduit l’étude du Talmud.
Là-dessus, le Rema5 établit que dès l’âge de trois ans, on enseigne à l’enfant la lecture pour le préparer à l’étude du ‘Houmach.6
Nous voyons, à partir de là, que la formation d’un enfant commence à l’âge de cinq ans avec l’initiation au ‘Houmach, ou à trois ans avec la découverte du alef-beth. Or, ces enseignements sont généralement pris en charge par l’institution scolaire.
En quoi consiste donc ce rôle « d’introduire les enfants dans l’étude de la Torah », attribué aux mères ?
Il apparaît que l’intervention de la mère se joue durant les trois premières années de la vie de l’enfant, période surnommée par Rav Chimchon Refaël Hirch : « années d’allaitement ».
Il commente : « Les mères commencent trop tard à se préoccuper de l’éducation de leurs enfants. Elles laissent s’échapper la période la plus cruciale pour le ‘Hinoukh et lorsqu’elles s’attellent finalement à la tâche, elles ont déjà perdu de nombreux atouts, permettant d’assurer une éducation réussie…
À mon avis, l’étape la plus importante pour le ‘Hinoukh est celle qui est très souvent délaissée à ce niveau précis ; ce sont les années d’allaitement. »7
Ce thème est repris par le Rav Chlomo Wolbe, zatsal dans ‘Alé Chour :
« L’éducation commence dès la naissance de l’enfant. Un nouveau-né a une perception de son environnement bien plus étendue que ce que nous pouvons imaginer.
Cette confrontation avec le monde n’est pas sans influencer son comportement et sa personnalité futurs. Les expériences d’un bébé, même très jeune, deviennent partie intégrante de son appréhension du monde. »8
Chlomo Hamelekh enjoint :
« Écoute, mon fils, les directives de ton père et ne délaisse pas la Torah de ta mère. »9
Dans ses conseils à son enfant, le père met généralement l’accent sur un comportement particulier, transmettant une parcelle d’un savoir déterminé. Par contre, l’influence de la mère est plus générale.
« La Torah de la mère » inclut toute une série d’expériences éducatives qui font de la Torah, une part essentielle du vécu de l’enfant. C’est la mère qui éduque principalement l’enfant, guidant son évolution, afin de lui permettre de réaliser son potentiel au maximum, en établissant les bases d’une vie de Torah et mitsvot.
C’est à cause de ce rôle décisif, joué par la mère dans l’éducation, que nos Sages conseillent :
« Celui qui désire avoir des enfants droits, doit épouser une femme de valeur. »10
Le Meïri dit qu’une femme méritant ce titre est celle qui sait comment élever ses enfants à la Torah, aux bonnes middot et à un comportement correct.
Ainsi, la mère détient une grande part dans les réalisations et le succès de son enfant.
Lorsque les différents rois juifs sont énumérés dans le livre de Melakhim, le nom de leurs mères leur est souvent associé, indiquant par là que c’est « La Torah de la mère » qui a mené à une telle grandeur et de tels accomplissements.
En quoi consiste donc cette « Torah de la mère », cruciale pour le développement de l’enfant et transmise de la meilleure façon durant les premières années de la vie ?
Nos Sages nous en donnent un exemple concret. Lorsque Rabbi Yo’hanan ben Zakaï entreprit de louer Rabbi Yéhochou’a ben ‘Hanania, il déclara : « Heureuse est celle qui l’a enfanté. »11
Nos Sages soulignent que c’est la mère de Rabbi Yéhochou’a qui a façonné son caractère.
Alors qu’il n’était qu’un nourrisson, elle s’asseyait près du bet hamidrach, afin que son fils perçoive les sons de l’étude de la Torah.
Dès lors, est-il étonnant que Rabbi Yéhochou’a ait développé un potentiel exceptionnel dans l’étude de la Torah, s’immergeant totalement dans les versets familiers, qui l’avaient accompagné, dès sa plus tendre enfance ?12
L’exemple de la mère de Rabbi Yéhochou’a ben ‘Hanania a été suivi par les femmes juives durant toutes les générations. Cependant, il est évident que l’expression « Torah de la mère » ne fasse pas référence à un seul acte spécifique.
La « Torah de la mère » inclut tout : c’est la Torah transmise à travers les soins maternels, le contact quotidien entre la mère et l’enfant.
Pour la préparer à son rôle essentiel, la femme a été dotée par D. d’une dose de compréhension supplémentaire.13
Ainsi, son instinct naturel et sa sensibilité l’équipent parfaitement pour créer et maintenir le lien mère-nourrisson.

 

  1.  Psaumes 113, 9.
  2.  Exode 19, 3.
  3.  Chemot Rabba 29, 2.
  4.  Avot 5, 25.
  5.  Rema citant le commentaire de Abrabanel sur Avot.
  6.  Choul’han Aroukh, Yoré Dé’ah 245, 8.
  7.  Chimchon Rafaël Hirch, Yessodot Ha’hinoukh vol. 2 pages 44-45.
  8.  ‘Alé Chour, Maamar Ha’hinoukh, p. 263.
  9.  Michlé 1, 8.
  10.  Niddah 70a.
  11.  Avot 2, 8.
  12.  Talmud de Jérusalem, Yévamot 8b.
  13.  Béréchit Rabba 18, 1.

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