M. Fitoussi était un homme remarquable. N’ayant découvert le Judaïsme que dans la dernière décennie de sa vie, alors qu’il avait près de 80 ans, il s’attacha de toutes ses forces à la Torah et aux mitsvot avec un dévouement exceptionnel, ne s’en dispensant sous aucun prétexte.
Par un jour de plein hiver, alors que la ville était couverte de neige et qu’un froid glacial régnait au-dehors, je l’aperçus avançant péniblement vers la Yéchiva. Très étonné de le trouver dans la rue, je l’abordai gentiment pour le dissuader de s’y rendre, inquiet de le voir ainsi mettre en danger sa santé.« M. Fitoussi, lui dis-je, pourquoi vous fatiguer à aller à la Yéchiva par un jour aussi froid ? À votre âge, avec ce froid et cette neige, sur laquelle vous pourriez glisser, que D.ieu préserve, vous êtes dispensé, d’après la Halakha, de prier avec un minyan. »
M. Fitoussi me regarda dans les yeux et me répondit, dans sa grandeur : « J’ai gaspillé toute ma vie pour des vanités, et à présent, je tente de rattraper dans une infime mesure ce que j’ai perdu ; c’est pourquoi même un jour de givre et de neige comme aujourd’hui ne m’empêchera pas d’aller au Beth Hamidrach prier et écouter un cours de Torah. »
Sur ces mots, il me quitta pour continuer à se frayer péniblement un chemin vers son but. Un bel exemple d’abnégation.
Quelques années plus tard, M. Fitoussi nous a quittés. Je décidai de me joindre à la peine de ses proches et de renforcer leur foi. Quand j’arrivai, ils étaient tous assis à côté de son cercueil. Cela me fit de la peine de constater combien ils semblaient éloignés de la religion, aussi décidai-je de faire un geste susceptible de les réveiller et de rallumer en eux la flamme du Judaïsme, et ce, pour l’élévation de l’âme du défunt.
Au centre de la pièce où ils étaient assis se trouvait le cercueil abritant le corps du défunt. Je me mis à tourner autour, le regardant comme si je cherchais quelque chose. Au bout de quelques tours, certains se risquèrent à me demander ce que je cherchais.
« Je me demande ce qu’il y a dans le cercueil », leur déclarai-je.
« Vous ne savez donc pas ce que contient le cercueil ? reprirent-ils, incrédules. Il n’y a que le corps du défunt, enveloppé dans un linceul. »
Je pris un air surpris pour leur demander : « Et il n’y a pas de tiroirs ? »
Une fois de plus, ils me regardèrent atterrés : « Bien sûr que non !
– Mais alors où le mort met-il un peu d’argent ou un album de photos de sa famille pour les emporter dans sa tombe ? Ne peut-il pas prendre avec lui le moindre souvenir ? Monte-t-il dans le monde de Vérité les mains vides ? poursuivis-je. Cela vous semble-t-il logique qu’un homme vienne au monde pour l’abandonner dans le dénuement le plus total après cent vingt ans ? »
Tous ceux qui étaient là restèrent sans voix, choqués par mes questions incisives.
« Nous savons tous que le mort n’emporte rien avec lui dans l’au-delà, poursuivis-je. Ni or, ni argent, ni le moindre album photo en guise de souvenir. Car le Monde futur est spirituel, et les choses matérielles n’y ont pas de place. La Torah et les mitsvot, pour lesquelles l’homme s’est donné de la peine pendant sa vie, sont les seuls biens qu’il emporte avec lui dans le monde de Vérité et qui intercéderont en sa faveur. Il y a quelques années, M. Fitoussi a discuté avec moi de ces biens qu’il voulait emporter avec lui dans le monde de Vérité. Il a eu la sagesse d’engranger le plus de mitsvot possible pendant ses dernières années, et c’est le seul bagage qu’il a emporté avec lui », conclus-je, encourageant les membres de sa famille à suivre son exemple, à se rapprocher de D.ieu et à engranger des biens spirituels qu’ils garderont pour l’éternité.
Rabbi David Pinto