« Balak, fils de Cippor, ayant su tout ce qu’Israël avait fait aux Amorréens, Moav eut grand-peur de ce peuple, parce qu’il était nombreux, et Moav trembla à cause des enfants d’Israël. » (Nombres 22, 2-3)
Comme le soulignent ces versets, Balak et son peuple, Moav, eurent très peur des enfants d’Israël. Or, le Saint béni soit-Il avait ordonné à ces derniers de ne pas leur déclarer la guerre, car ils descendaient de Loth, neveu d’Abraham (cf. Baba Kama, 38b). D’ailleurs, quelques versets plus loin, nous trouvons la confirmation qu’ils se plièrent bien à cette directive : « il est campé vis-à-vis de moi » (Nombres 22, 5), autrement dit, de manière inoffensive. Dès lors, comment comprendre la terreur qu’ils inspirèrent malgré tout aux Moavites ?
De fait, ceux-ci constatèrent que deux rois très puissants, celui des Amorréens et celui du Basan, tombèrent face aux enfants d’Israël, aussi redoutèrent-ils d’être eux-mêmes la prochaine cible. Néanmoins, il reste à expliquer comment ils osèrent défier un peuple, miraculeusement conduit par la Présence divine.
Le verset précédemment cité, « il est campé vis-à-vis de moi », peut être interprété sous un autre angle : il nous indique allusivement l’aspiration des enfants d’Israël à la tranquillité, stigmate d’un relâchement dans l’étude de la Torah. Dans une telle situation où, au lieu de vivre à l’aune de la Torah, on se laisse influencer par le mode de vie des non-juifs, on laisse au Destructeur le champ libre pour accomplir ses mauvais desseins. Car, dès l’instant où la voix n’est plus celle de Jacob, ce sont les mains d’Esaü qui prennent le dessus (Genèse Rabba 65, 20). Ceci est corroboré par le verset suivant, où deux faits distincts sont, curieusement, juxtaposés : « Israël s’établit à Chittîm. Là, le peuple se livra à la débauche avec les filles de Moab. » (Nombres 25, 1) Une fois de plus, le concept d’installation paisible en un lieu est connoté négativement, car synonyme d’un laisser-aller dans l’étude de la Torah et d’assimilation aux nations. Lorsque les enfants d’Israël s’affaiblissent spirituellement, ils transmettent de la force à leurs adversaires qui, de vulnérables, deviennent soudain puissants et aptes à les combattre (cf. Meguila, 13b).
La haine que les nations nourrissent contre nous est si importante qu’elles sont prêtes à renoncer à leur désaccord pour s’unir et nous combattre. Rachi (Nombres 22, 4) nous rappelle, à cet égard, que Madian et Moav étaient des ennemis héréditaires – comme l’atteste le verset « qui frappa Midian dans les champs de Moav » (Genèse 36, 35) –, mais qu’ils firent ici la paix en raison de leur peur commune du peuple juif.
Le roi de Moav, terrorisé par la victoire écrasante de celui-ci sur Sihon et Og, prit conseil auprès des anciens de Midian. De son point de vue, les enfants d’Israël représentaient un danger existentiel tel qu’il les compara à un bovin broutant toute l’herbe du champ et ne laissant rien derrière lui.
La suite des versets nous fait part de l’initiative prise par Balak : « Il envoya des messagers à Bilaam, fils de Beor, à Pethor qui est sur le Fleuve, dans le pays de ses concitoyens, pour le mander » (Nombres 22, 5). Or, nous pouvons y lire en filigrane le secret de la force du peuple juif, ce qui le protège et lui octroie le pouvoir de résister aux incessantes attaques des nations. Le terme petorah (à Pethor) peut être décomposé en pé-Torah, une bouche regorgeant de paroles de Torah. Quant au terme hanaar (le Fleuve), il équivaut numériquement – en lui ajoutant un – au mot érès, signifiant venin et proche du mot roch (tête) – il est possible d’intervertir les lettres Sin et Same’h, de même sonorité. Ceci laisse entendre que lorsque la bouche des enfants d’Israël est emplie de Torah, du venin en sort, c’est-à-dire qu’à l’instar du serpent venimeux, ils ont le pouvoir de tuer leurs ennemis. Car, du moment que leur tête et leur bouche se vouent à la Torah, les nations du monde demeurent impuissantes contre eux. A l’inverse, dès le moindre relâchement dans l’étude de celle-ci, ils deviennent vulnérables et tombent entre leurs mains – Dieu préserve.
Extrait tiré du livre Pniné David du Admour Rabbi David Hanania Pinto chlita