« D.ieu ne le dirigea pas par le pays des Philistins parce qu’il était proche » (Chémot 13,17)
Selon rav Eliyahou Dessler, le refus de D.ieu de diriger le peuple hébreu vers le pays des Philistins contient, pour chacun de nous, une formidable leçon, applicable au quotidien.Dans son Mikhtav méEliyahou (tome III p.293), il remarque que prendre de « bonnes résolutions » ne suffit pas à garantir un authentique repentir. Quand bien même celles-ci seraient sincères, on ne peut négliger le fait que le risque de récidive reste important. L’unique solution pour mettre un terme à nos fautes consiste à « couper les ponts », c'est-à-dire à éliminer les causes et les situations qui les ont générées.
Lorsque nos Sages disent qu’il existe des chemins qui sont « longs et courts » et d’autres qui sont « courts et longs », c’est à cette idée qu’ils font référence. La Tora dit en effet que « D.ieu ne le dirigea pas par le pays des Philistins parce qu’il était proche », pour nous signifier qu’il est parfois préférable d’emprunter des routes longues et hasardeuses, traversant des déserts ou des océans, pour éviter de s’exposer à l’épreuve. De dures épreuves et des situations inextricables peuvent ainsi s’avérer nécessaires pour rendre impossible tout retour à un mode de vie antérieur – et parfois, en dépit de ces nombreuses précautions, l’éloignement n’est toujours pas suffisant…
Par exemple, au moment de la sortie d’Egypte, alors que tous les moyens avaient été mis en œuvre pour couper le peuple juif de son triste passé, celui-ci finit par le rattraper, en la personne de Pharaon qui comptait prouver, en les rejoignant sur les berges de la mer Rouge, que leur servitude n’avait pas encore pris fin. Ceci signifiait qu’en dépit de tout, le mauvais penchant conservait encore une certaine emprise sur les Hébreux, par le simple fait qu’ils avaient promis au roi égyptien d’aller seulement à « trois journées de chemin dans le désert ».Certes, il est vrai que par ces mots, leur intention était de ménager quelque peu leur mauvais penchant : en laissant croire à Pharaon qu’ils envisageaient eux-mêmes un retour en Egypte, les enfants d’Israël voulaient calmer les appréhensions que soulevait ce hasardeux voyage dans le désert. Tel est en effet la règle de base dans le combat de l’homme contre son yétser hara’ : toujours retourner contre lui ses propres armes. Et lorsqu’il nous incite à renoncer à une mitsva, nous devons lui répondre : « Laisse-moi la faire rien qu’une seule fois… » ou encore « Juste un petit peu »…
Toutefois, il faut savoir que cette attitude comporte certains inconvénients majeurs. En usant de tels propos lénifiants, l’homme avoue se sentir impuissant face à son yétser hara’ et être incapable de se mesurer à lui. Or telle était la situation des enfants d’Israël au moment de la sortie d’Egypte : conscient de leur vulnérabilité, le mauvais penchant – en la personne de Pharaon – mit à profit son avantage en les rejoignant sur les rives de la mer Rouge.Tout espoir était-il pour autant anéanti ? Evidemment non ! Pour preuve, Na’hchon ben ‘Aminadav qui, en se précipitant spontanément dans les flots, suscita l’ouverture de la mer et provoqua la délivrance de l’ensemble du peuple juif. Ceci nous prouve qu’en toute circonstance, la messirout néfech, c'est-à-dire l’abnégation inconditionnelle pour la gloire de D.ieu, permet de contrer et de venir à bout du mauvais penchant.Telle est la réalité objective des choses, et que nul ne se leurre par de vaines illusions.
Un jour, rav Ya’aqov Israël Kanievski zatsal – plus connu comme le « Steipeler » – fut confronté à une situation de ce genre, où il eut recours à une véritable « ruse » pour adoucir l’intensité d’une épreuve. L’histoire se déroula alors qu’il avait été enrôlé dans l’armée russe. Une surveillance militaire continue était assurée devant les hôpitaux, et un vendredi soir, ce fut le tour de rav Ya’aqov Israël de monter la garde. Pendant ces longues nuits de veille, un manteau doublé de fourrure était mis à la disposition des soldats, pour leur permettre de résister à la rigueur des hivers russes. Malheureusement, lorsqu’arriva le tour du rav de prendre la relève, il s’aperçut que le soldat qui l’avait précédé avait suspendu le manteau sur une branche d’arbre. Or le Chabbat, il est interdit de retirer un objet posé sur un arbre…Certes, se dit-il, la chose semble de toute évidence permise, puisqu’il ne s’agit somme toute que d’un interdit d’ordre rabbinique, survenant de surcroît dans une situation de danger de mort. Cependant, se reprit-il ensuite, on peut estimer que pour seulement cinq minutes, on ne s’expose certainement à aucun danger. Rav Ya’aqov Israël prit donc sur lui de résister au froid pendant au moins cinq minutes. Une fois ce laps de temps écoulé, il se dit que cinq minutes supplémentaires ne seraient pas beaucoup plus difficiles que les premières… Et c’est ainsi que de cinq minutes en cinq minutes, il parvint à résister au froid et à la tentation toute la nuit durant !
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.