« Si vous marchez selon Mes lois, si vous gardez Mes préceptes et les exécutez, Je donnerai les pluies en leur saison… » (Vayiqra 26,3)
Un groupe d’hommes, assis à une même table, mangent, boivent et conversent pendant un certain temps, sans qu’on puisse distinguer aucune différence notable entre eux. A la fin du repas, ils se lèvent tous et s’en vont. Un seul d’entre eux reste à sa place, et ne semble pas résolu à partir. A première vue, aucun indice ne permet de comprendre pourquoi il se différencie ainsi de ses camarades. Mais en y regardant de plus près – et en jetant un coup d’œil sous la table – on remarque qu’il est tout simplement cul-de-jatte, incapable de se déplacer seul. C’est à l’aide de cette parabole que rav Na’houm Zéev, le fils du Saba de Kelm, expliquait comment on peut déceler la véritable valeur d’un individu. Tant qu’il se trouve en compagnie de ses amis, qu’il étudie et participe à leurs activités, rien ne le distingue des autres, il semble animé du même esprit. L’heure de vérité sonne au moment où il quitte la maison d’étude et est livré à lui-même. A cet instant précis, on voit qui est doté de « jambes » et qui n’en a pas, qui est capable de résister aux tentations les plus puissantes, et qui s’effondrera au premier coup de vent.
Cette idée illustre très justement l’expression de notre verset : « Si vous marchez selon Mes lois… » – la Tora exige que l’on puisse évoluer dans le monde extérieur en lui restant fidèle, sans tenir compte des persifleurs. En ce sens, la michna nous invite à être « hardis comme une panthère pour accomplir la volonté de notre Père Qui est au Ciel ».Rav Ya’aqov Neuman, qui cite rav Na’houm Zéev dans son Darké Moussar, ajoute que ses explications apportent un éclairage intéressant au passage talmudique suivant : « Lorsque les enfants d’Israël accomplissent la volonté du Créateur, leurs travaux sont effectués par d’autres, comme il est dit : “Des étrangers feront paître vos troupeaux… “ (Yécha’ya 61). Mais lorsqu’ils n’accomplissent pas la volonté du Créateur, ils doivent effectuer eux-mêmes leurs travaux, comme il est écrit : “Tu récolteras ton blé, ton vin et ton huile… “ (Dévarim 11) » (Bérakhot 35b).
Mais les Tossefot s’interrogent : comment peut-on attribuer ce dernier verset à une situation où le peuple juif n’accomplit pas la volonté du Créateur, alors que ce même passage de la Tora débute ainsi : « Si vous obéissez aux lois que Je vous impose en ce jour, aimant l’Eternel et Le servant de tout votre cœur… » ?Apparemment, cela semble indiquer qu’il existe un cas de figure où un homme « aime D.ieu de tout son cœur » sans pour autant Lui être fidèle ! Comment est-ce possible ? En fait, cette situation se présente chez celui qui observe rigoureusement les mitsvot tant qu’il se trouve en bonne compagnie, car l’environnement social l’encourage et le stimule positivement. Mais dès qu’il se retrouve seul, il s’avère être un « cul-de-jatte », incapable de continuer à progresser spirituellement. C’est au sujet de ce type d’individus que la Tora dit qu’ils « n’accomplissent pas la volonté du Créateur ».
A cet égard, pourrait-on encore ajouter, l’archétype humain – incarné par Adam – fut créé seul, afin que chacun sache que sa réussite morale ne dépend que de lui. Tout homme peut réussir à s’élever et à accéder à de hauts niveaux spirituels par ses propres forces, et sans le soutien de quiconque. Et de fait, il semble évident que D.ieu n’a pas créé l’être humain incomplet, au point qu’il soit incapable de se perfectionner sans aide extérieure. La Tora en témoigne d’ailleurs clairement : « La chose est tout près de toi, tu l’as dans la bouche et dans le cœur… » (Dévarim 30).Cela étant, on ne peut occulter le fait que l’homme est aussi sujet à la paresse, et qu’il ne cherche généralement pas à exploiter tout son potentiel. C’est pourquoi nos Sages recommandent de nous lier à des amis de qualité, de sorte que chacun soutienne l’autre. Mais parallèlement à cela, chaque individu devra également s’efforcer d’acquérir une indépendance dans ce domaine, afin de rester égal à lui-même en toutes circonstances. Ainsi, même s’il se retrouve un jour en présence de personnes peu respectueuses des mitsvot, il n’en sera pas affecté, comme en témoigna Ya’aqov à son propre sujet : « “J’ai vécu [garti] avec Lavan“ – j’ai respecté les six cent treize commandements [valeur numérique de “garti“], sans m’inspirer de ses mauvaises actions. »Voilà la recommandation que nous donne la Tora au début de notre paracha : « Si vous marchez selon Mes lois… » – si vous respectez les mitsvot en toutes circonstances, et pas seulement lorsque vous êtes intégrés dans une société fidèle à la Tora, alors « Je donnerai les pluies en leur saison », et vous serez considérés comme des hommes « qui accomplissent la volonté du Créateur ».
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.