« Car celui qui mangerait du pain levé serait retranché d’Israël » (Chémot 12,15)
Le Saba de Kelm s’interroge (‘Hokhma ouMoussar tome II chap.119) : pourquoi le Saint béni soit-Il jugea-t-Il bon de fixer l’heure de la sortie d’Egypte avant que la pâte n’ait eu le temps de gonfler ? Ne pouvait-Il pas la repousser de quelques instants ? La réponse, selon lui, réside dans les termes de cette michna (Pirqé Avot chap.6,4) : « Tel est l’usage de la Tora : mange du pain trempé dans du sel… » Cette sentence, soutient le Saba, ne signifie pas qu’il nous incombe de nous imposer coûte que coûte une vie de souffrances et de restrictions ; par ces mots, la michna nous indique simplement que quiconque souhaite acquérir la sagesse de la Tora devra se soumettre à un mode de vie rigoriste. Ceci coïncide avec un autre enseignement des Sages, selon lequel nul ne peut prétendre « gagner la couronne de la Tora au milieu des délectations », car pour devenir un maître en Tora, le renoncement aux plaisirs s’impose.
Cette exigence s’explique par le fait que la tentation est à l’origine de tous les maux humains. Pour acquérir la Sagesse, il est impératif de dominer totalement ses pulsions. De plus, le plaisir de celui qui domine ses instincts est infiniment supérieur à celui qui s’y soumet et qui ne satisfait finalement qu’un millième de ses attentes. En effet, alors que l’homme resté maître de lui n’éprouve que joie et bonheur et ne souffre d’aucun sentiment de manque, celui dont la vie n’a pour but que la réalisation de ses désirs restera finalement frustré de n’avoir toujours pas comblé toutes ses aspirations. Assurément, ce sentiment entache le peu de plaisir qu’il ressent et l’empêche de jouir pleinement de ce qu’il a reçu.
Le roi David s’est clairement exprimé à ce sujet : « Nombreux sont les maux du mécréant, alors que celui qui a confiance en D.ieu est entouré de grâce » (Téhilim 32,10). Les maux du mécréant sont la somme d’une anxiété continue que génèrent tout à la fois le non-aboutissement de ses ambitions, les frustrations éprouvées face à l’immensité de ses attentes et une absence d’authentique joie de vivre. En revanche, celui qui a confiance en D.ieu ne connaît que la grâce : il est heureux de ce qu’il possède et n’éprouve jamais le moindre sentiment de manque. Il s’avère donc que dominer ses tentations constitue une nécessité impérative pour tout être humain, et à plus forte raison pour tout Juif attentif aux appels de la Tora.
Voilà pourquoi, lorsque D.ieu délivra le peuple juif du joug égyptien, Il voulut lui montrer que cette délivrance ne lui apporterait ni bien-être ni jouissances matérielles. Il les fit donc sortir à un moment qui ne leur laissait pas le loisir de faire monter la pâte, pour leur signifier à quelle vie ils devraient se consacrer. Et celui qui s’attache à ce mode d’existence est seul considéré comme un authentique « homme libre », comme le disent nos Sages : « Il n’y a d’homme libre que celui qui se consacre à l’étude de la Tora ! » (loc. cit. 6,2). En conclusion, toute personne aspirant à obtenir le bonheur en ce monde, devra réduire sa quête de plaisirs matériels et dominer ses tentations : tel est le message que nous livre la matsa chaque Pessa’h, une année après l’autre…
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.