Chemini. L’authentique humilité

« Moché dit à Aharon : “C’est là ce qu’avait déclaré l’Eternel en disant : Je serai sanctifié par ceux qui Me sont proches“ » (Vayiqra 10,3)

« “C’est là ce qu’avait déclaré l’Eternel“ – où l’a-t-Il déclaré ? Là où Il avait dit : “C’est là que Je communiquerai avec les enfants d’Israël, et ce lieu [le Sanctuaire] sera consacré par Ma majesté“ (Chémot 29) – ne lis pas “Ma majesté“ [kévodi] mais “Mes fidèles“ [mékhoubadaï]. Moché dit à Aharon : “Aharon mon frère, je savais que la maison de D.ieu serait sanctifiée par les fidèles du Créateur. Mais je pensais que ce serait par toi ou moi. A présent, je comprends que tes fils étaient en fait plus grands que toi et moi ! » (Rachi au nom du Talmud Zeva’him 115b)

Les propos que le Talmud attribue ici à Moché ne sont-ils pas incompatibles avec cet autre verset : « Cet homme, Moché, était fort humble, plus qu’aucun homme qui fût sur la terre » ? En effet, s’interroge rav Yéhouda Leib ‘Hasman (Or Yahel tome II), imaginons qu’un roi déclare vouloir accorder de grands honneurs au plus important de ses princes ; par la suite, un noble déclare sans ambages que c’est certainement à lui que le monarque faisait référence. Assurément, on ne manquerait pas de le considérer comme un vaniteux. Par conséquent, comment Moché, le plus humble d’entre les hommes, put-il annoncer à son frère : « Je pensais que ce serait par toi ou moi » ?Selon rav ‘Hasman, la réponse réside dans une redéfinition plus exacte de la notion d’humilité. D’après lui, l’homme humble est semblable à un porteur de lourds fardeaux qui ploie sous les charges qu’il transporte, mais qui, pour autant, n’envisage à aucun moment d’en être le propriétaire légitime.

Il en va de même pour la sagesse et les différentes valeurs morales : faire preuve d’humilité ne signifie pas ignorer ses qualités, ce qui s’apparenterait plutôt à de la sottise. Etre humble revient en fait à admettre,au plus profond de soi, qu’aucune de nos qualités ne peut être mise à notre crédit, celles-ci étant toutes un don du Créateur ! Et moins on s’attribuera le mérite de nos talents – conscients que tout nous est offert gratuitement – plus on s’élèvera dans les degrés de l’humilité. Le Talmud (Sota 21b) le confirme en disant : « Les paroles de la Tora ne se maintiennent que chez celui qui se considère comme rien, comme il est écrit : “La sagesse, on ne la trouve nulle part“ (Job 28) » – c’est-à-dire que l’on ne trouve de sagesse que chez celui qui s’annule totalement.

Ceci offre un éclairage remarquable à cet autre enseignement : « Depuis que Rabbi [Yéhouda HaNassi] est décédé, il n’y a plus au monde ni humilité ni crainte de la faute. Rav Yossef annonça à celui qui lui transmit cet enseignement : “Ne dis pas ceci au sujet de l’humilité, car je suis là“ » (fin de Sota). Bon nombre de commentateurs s’interrogèrent : se flatter d’être humble n’est-il pas antinomique ?Mais il n’en est rien : puisque l’humilité est la disposition à ne pas s’attribuer le mérite de ses vertus, on peut tout à fait envisager qu’un homme « se vante » d’être modeste. Lorsqu’une personne véritablement humble évoque ses propres qualités, elle le fait comme si elle parlait d’un tiers, puisqu’à ses yeux, celles-ci ne lui appartiennent nullement.

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.

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