Chemini. Protégez-vous des hypocrites !

« Quant aux animaux suivants, qui ruminent ou qui ont le pied corné, vous n’en mangerez pas… » (Vayiqra 11,4)

« “Le chameau“ symbolise l’empire de Babylone “parce qu’il rumine“, car il éleva Daniel à la dignité, comme il est dit : “Daniel resta à la Cour du roi“ (Daniel 2) [mais cet animal est interdit à la consommation car il n’a pas le pied corné]. “La gerboise“ symbolise l’Empire mède “parce qu’elle rumine“, car il éleva Mordékhaï à la dignité, comme il est dit : “Mordékhaï était assis à la porte du roi“ (Esther 2), [mais ce rongeur est également interdit car il n’a pas le pied corné]. “Le lièvre“ symbolise l’Empire grec “parce qu’il rumine“, car il honore les Justes : lorsqu’Alexandre le Grand vit apparaître Chim’on le Juste, il se leva devant lui […]. “Le porc“ symbolise l’Empire romain “parce qu’il ne rumine pas“, car il n’honore pas les Justes, mais au contraire, il les assassine… » (Vayiqra Rabba 13,5)

Le Kli Yaqar s’interroge : pour quelle raison le Midrach s’attache-t-il à détourner ces versets de leur sens littéral ? De plus, pourquoi ces mêmes versets évoquent-ils tout d’abord les signes de pureté [c’est-à-dire de cacherout] de ces différents animaux – le fait qu’ils ruminent pour les trois premiers, et le pied corné du porc – alors qu’il cherche précisément à en interdire la consommation ? N’était-il pas plus logique de mettre au préalable l’accent sur la marque de leur impureté ?La réponse réside selon lui dans le principe suivant : chez un être impur, les signes de pureté sont eux-mêmes une preuve d’impureté. Ainsi, nos Sages disent au sujet de ’Essav qu’il est comparé au porc, parce que cet animal tend généralement ses pattes vers l’avant, comme pour montrer ses sabots fendus et annoncer : « Voyez, je suis une bête pure ! » Et c’est ainsi qu’agissent les hypocrites de toutes les espèces : s’efforçant de dissimuler leur véritable nature, ils affichent une pseudo honnêteté pour tromper leur entourage. Or, cette attitude est assurément bien pire que celle arborée par un mécréant accompli, qui se présente sous son véritable visage (comme l’indique Rachi, dans son commentaire sur Béréchit 37,4).

A cet égard, bien que le pied corné soit une preuve de pureté, à la patte du porc il est un signe d’impureté. Car du fait de cette caractéristique, les gens risquent de se tromper sur son compte et s’imaginer qu’il est permis à la consommation. De même pour la rumination du chameau, de la gerboise et du lièvre : chez eux, il s’agit d’un véritable signe d’impureté, à l’instar des sabots fendus du porc. Et bien que l’on ne puisse évidemment pas accuser ces bêtes de chercher à tromper leur entourage, il n’en reste pas moins que leur chair peut influencer ceux qui la consommeront, introduisant dans leur nature une disposition à l’hypocrisie semblable à celle de ‘Essav.Dès lors, le Midrach cité en exergue prend tout son sens. Son interprétation dissimule une question implicite : pourquoi la Tora évoque-t-elle chez ces différents animaux les signes de pureté avant ceux marquant l’impureté ? La réponse est qu’à cause de l’hypocrisie sous-jacente caractérisant ces bêtes, leurs signes de pureté se changent eux-mêmes en impureté.

Le Midrach étaye son propos en démontrant que quiconque consommerait de leur chair serait inévitablement empreint d’une tendance à l’hypocrisie, bien que celle-ci ne puisse être imputable à ces bêtes. La preuve est établie à partir des quatre nations citées ici : ces différents peuples étaient en effet coutumiers de consommer la chair de ces animaux, et parallèlement, ils étaient réputés pour leur nature hypocrite. En effet, durant leur règne respectif, chacun de ces empires s’efforça de paraître bienveillant à l’égard des enfants d’Israël – alléguant n’agir que pour leur bien – alors qu’en leur for intérieur, ils ne songeaient qu’à les détruire. Voyant comment ces nations élevaient des Justes à la dignité – comme le rapporte le Midrach – le peuple juif se laissa prendre à leur jeu, ignorant qu’elles n’agissaient que dans leur propre intérêt.Ceci éclaircira un autre passage de ce Midrach : « Moché vit comment ces Empires agissaient : “Le chameau“ – il s’agit de l’Empire babylonien, comme il est dit : “Fille de Babel ! Heureux qui te rendra le mal [gemoulekha] que tu nous as fait !“ (Téhilim 137). » De même que le chameau exhibe des signes de pureté, bien qu’il soit interdit à la consommation, ainsi le royaume babylonien se montrait-il soi-disant généreux [gomel ‘hassadim] envers Israël, mais sa bonté n’était en fait que perfidie.

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.

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