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Chévii Chel Pessa’h – Voir la réalité telle qu’elle est

Il est écrit dans les versets : ‘’Vayéhi Béchalakh Paro’’ (‘’Et ce fut lorsque Paro renvoya les enfants d’Israël’’). Nos Sages nous disent que l’emploi de la forme ‘’Vayéhi’’ est un langage de tristesse.
Faisons une courte parenthèse de grammaire hébraïque. En hébreu, la lettre Vav placée au début d’un mot peut changer le temps employé dans la phrase. En effet, parfois, le Vav peut marquer le passé ou au contraire, transformer un verbe en futur. Par exemple, le mot ‘’Yéhi’’ sans Vav est un futur : ‘’Il sera’’. Lorsque l’on ajoute le Vav cela transforme le mot en ‘’Vayéhi’’ qui signifie alors ‘’Et ce fut’’ (passé). En outre, si l’on dit ‘’Haya’’ (c’était), on exprime un passé. Et si l’on ajoute le Vav en écrivant ‘’Véhaya’’ la signification est modifiée et l’on obtient ‘’Et ce sera’’ (comme dans ‘’Véhaya Binssoa Haaron’’), qui est donc un temps du futur.

Revenons à notre verset. En quoi le fait que les Bné Israël aient été libérés est annonciateur d’un mauvais présage ? Au contraire, on devrait marquer ici la joie éprouvée lors de la sortie d’Egypte !
Ce qu’il nous faut comprendre ici, c’est que ce n’est pas Pharaon qui les a fait sortir d’Egypte. Et les enfants d’Israël ne sont évidemment pas sortis d’eux-mêmes. C’est le Saint béni soit-Il en personne qui les a libérés. Ce qui s’est passé en réalité à ce moment-là, c’est que les autres nations ont appris que les enfants d’Israël avaient bien été libérés. Mais ils l’ont appris d’une façon totalement différente de la réalité. Pharaon a fait passer un message ‘’qu’il les avait renvoyés’’. Comme si c’était lui qui avait décidé de son propre chef de les renvoyer. Alors qu’en réalité c’est Hachem et Lui seul qui a décidé du moment opportun de la libération de Son peuple. Tous les ‘’médias’’ de l’époque ont rapporté que Pharaon avait décidé de renvoyer les Hébreux de sa terre. Il est donc fait référence ici au malheur de cette chose-là précisément. Le malheur c’est de parvenir, malgré la vérité frappante, à aveugler le monde entier et à faire croire que ce n’est pas Le Créateur qui les a délivrés mais le Pharaon. Or cette vision des choses est totalement erronée. Et le verset exprime cette tristesse par ce langage.

Rav Yérou’ham Leibovitch de Mir zatsal nous explique parfaitement ce concept. A Mir il y avait une fois par semaine un jour de marché pour les habitants du village. Nombreux étaient ceux qui venaient de villages voisins pour s’approvisionner chaque semaine. Un jour, plusieurs charrettes empruntèrent le pont qui délimitait le village. Malheureusement, celui-ci s’effondra et 45 personnes périrent, noyées. Cette histoire fit grand bruit à l’époque dans toute la région. Tout le monde cherchait des coupables. Rav Yérou’ham décida d’en parler à ses élèves. ‘’Tout le monde cherche des coupables. Tout le monde cherche à accuser l’autre et cherche à savoir ce qui n’a pas été fait ou ce qui aurait dû être fait pour éviter ce drame. Mais en tant que juifs croyants nous devons savoir une chose. Les décrets sont émis par le Ciel depuis Roch Hachana. En ce jour de jugement, le monde entier se tient devant Le Créateur tel ‘’un troupeau’’ et est jugé. Tout est décidé à ce moment-là. Pas seulement pour les juifs. Mais pour toute l’espèce humaine. Pour toutes les créatures. Pour l’univers tout entier. Alors bien-sûr qu’il faut chercher à savoir ce qui a été mal fait à ce moment précis. Bien-sûr que s’il y a des coupables, il faut les juger. Mais nous nous devons de nous imprégner d’une seule chose primordiale : c’est Hachem qui a décidé que cela se produise. C’est un décret divin. ‘’Qui par le feu. Qui par l’eau. Qui par le glaive…’’

Que voyons-nous aujourd’hui dans tous les journaux et médias ? Chaque jour apporte son lot de nouvelles. L’un est décédé dans un accident de voiture. Un autre a eu une maladie. Nous voyons clairement dans ces propos les décrets divins. Cela devrait nous renforcer dans notre foi. Cela devrait nous éveiller justement. Nous devrions prendre conscience en lisant ces nouvelles qu’il n’existe qu’une puissance unique et supérieure qui puisse accomplir cela. Et pourtant, cela nous éveille t-il ? Comparons deux personnes. L’une lit un journal et l’autre étudie des livres de Moussar (morale) et de Emouna. Laquelle des deux priera avec plus de ferveur juste après cela ? Pourtant, nous avons dit que le journal devrait nous éveiller car il ne rapporte que des faits et décrets divins.  Et bien non. Clairement non. Car en réalité, le journal ne nous présente pas la chose sous cet angle. Il nous explique les raisons de l’accident ou d’un fait divers tout en cherchant à nous inciter à trouver des coupables. Si un vieil homme a causé un incendie et a trouvé la mort en s’endormant avec sa cigarette dans la bouche, c’est de sa faute. Si il y a eu tel accident de la route c’est parce que le conducteur avait un taux d’alcool trop important dans le sang. Pour chaque évènement, nous cherchons le coupable. Or, il est impossible de se renforcer en Emouna en lisant de telles choses. Nous ne pouvons éprouver une crainte du Ciel plus importante en lisant de tels articles. Les médias sont friands de ce genre d’informations et vont toujours trouver et désigner un accusé.

Or, ce que nous devons savoir c’est justement qu’il y a Quelqu’un au-dessus de nous qui dirige tout.  

Pharaon sait mieux que quiconque à quel point c’est lui qui a supplié les enfants d’Israël de partir. Cependant, il s’embrouille l’esprit et il est certain que c’est lui et lui seul qui a pris la décision de les renvoyer. Après leur renvoi, il endurcit son cœur et se dit qu’en réalité il aurait pu refuser.

‘’Le cœur du roi est dans la main d’Hachem’’ nous dit l’Ecclésiaste.
Chacun d’entre nous est un ‘’roi’’ dans son foyer, dans son travail, avec ses enfants. Nous devons savoir que rien n’est entre nos mains. Nous ne dirigeons pas tout dans notre vie.

Le Rav Yé’hezkel Lévinstein zatsal posa la question lors d’un Séder de Pessa’h au sujet des versets de la Haggada ‘’Alors Je pris votre père Avraham de l’autre côté du fleuve et Je le conduisis à travers tous le pays de Canaan…’’ Pourtant, Avraham a découvert tout seul Le Créateur du monde à l’âge de seulement trois ans ! Pourquoi dit-on ici que c’est Hachem qui l’a pris comme s’il n’avait rien fait de son propre gré ? On voit également que le nom de Moché Rabbénou n’apparait pas dans la Haggada. En fait, ceci est justement écrit ainsi car le soir du Séder c’est la nuit de la vérité. C’est la nuit où tout est dévoilé. C’est Hachem qui a mis en Avraham cette volonté de le rechercher. C’est Hachem qui a délivré les enfants d’Israël d’Egypte et non Moché. Pour qu’il n’y ait aucun amalgame et que l’on ne dise pas que sans Moché, rien de tout cela n’aurait pu être possible. Malgré tout le respect dû à Moché Rabbénou, nous ne devons cependant pas perdre de vue l’acteur principal de cette délivrance : Hachem en personne. Pas un ange. Pas un envoyé. Lui-même.

C’est là le fondement de notre Foi que nous prononçons justement chaque jour dans les treize articles de Foi : ‘’Je crois d’une foi sincère et profonde que Le Créateur, Lui seul, crée et dirige le monde entier. Et que Lui seul accomplit et accomplira Sa volonté’’. C’est ainsi que nous devons vivre.

Cette vision de la vie est encore plus mise à l’épreuve lors d’évènements imprévus. Lorsque des catastrophes se produisent. Nous pouvons alors voir des personnes qui respirent la Emouna. Qui respirent cette foi en Hachem.

Un jour, un chauffeur de minibus déposa comme à son habitude des enfants à l’école. Cependant, il s’est trouvé ce jour-là très pris par une chose et ne fit pas attention que l’un des enfants était descendu et s’était déjà engagé sur la route. Il avança et le tua sur le coup. Quelle douleur, quelle peine, quels remords le conducteur éprouvait-il. Il était totalement perturbé. Après la semaine de deuil, il se rendit chez les parents du jeune garçon. Il était en pleurs et annonça aux parents : ‘’Je ne suis même pas capable de prononcer ces quelques mots. Mais je ne sais même pas comment exprimer ma peine, ma douleur. Je vous ai pris votre bien le plus cher. Je vous ai arraché votre fils. Je ne me le pardonnerai jamais. Mais même si je sais que rien ne pourra jamais effacer ou pardonner mon erreur, y a t’il tout de même une chose que je puisse faire ?’’

Les parents, très touchés par ses paroles lui dirent simplement : ‘’Nous ne vous en voulons pas. Nous savons que vous n’êtes pas coupable. C’est Hachem qui dirige tout et c’est Lui qui décide qui doit vivre et qui doit mourir. Combien de temps nous devons vivre et de quelle façon nous devons quitter ce monde. Vous n’y êtes absolument pour rien. En revanche, si vous souhaitez véritablement faire quelque chose pour notre fils, nous apprécierons énormément que vous respectiez le Chabbat pour l’élévation de son âme. Nous ne cherchons pas à ce que vous nous dédommagiez. Nous ne demandons rien et nous ne vous poursuivrons pas en justice. C’est la seule chose que nous vous demandons pour notre fils bien-aimé.’’ Le chauffeur éclata en pleurs et s’en retourna chez lui. Quelle grandeur d’âme, quelle force, quelle foi ces parents ont-ils montré en annonçant une telle chose ! Le chauffeur accepta dès ce jour de respecter le Chabbat et évolua de plus en plus dans la Torah et Mitsvot pour l’élévation de l’âme de ce petit garçon.
 
C’est Hachem qui a fait. Qui fait. Et qui fera. Pour toujours.

Et c’est là le message de Chévii Chel Pessa’h. Un message de foi profonde en Hachem.
 
Rav Boaz Chalom
 

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