Vous avez sûrement déjà assisté ou aperçu les danses et les rondes qui ont lieu le jour de Simhat Torah lors de la lecture de la dernière paracha des cinq livres de la Torah. Mais quelle est donc cette joie intense qui s’empare de chacun d’entre nous ? Comment comprendre que jeunes et vieux dansent ensemble pendant des heures avec le Séfer Torah avec un enthousiasme sans pareil ?
Il est évident que la raison demeure justement dans ce livre sacré qu’est notre Torah. Cette Torah qui est le fondement de notre nation, l’architecte de notre peuple. Cette Torah qui est justement l’essence et la raison même de notre existence surnaturelle et exceptionnelle. Mais ce lien que nous entretenons avec la Torah reste néanmoins étonnant. Cette joie que nous exprimons dépasse l’entendement et la logique humaine.
Essayons de réfléchir : a-t-on déjà vu dans l’histoire un peuple autre que le peuple juif consacrer un jour à des danses avec leur livre sacré ou avec leur déclaration d’indépendance ? Non, cela ne s’est jamais vu. Ni dans la Rome antique catholique, ni durant les défilés chrétiens où les images de ‘’saints’’ et ‘’purs’’ apôtres sont exposées. Avez-vous déjà vu des foules de musulmans serrer le Coran dans leurs bras et danser avec lors de parades religieuses dans leurs capitales ? Ou encore les Américains danser avec la déclaration d’indépendance le jour du 4 juillet -déclaration qui leur a ouvert les portes de la liberté, de la démocratie et de la richesse ?
Et pourtant, dans toutes les communautés juives à travers le monde, de Tel-Aviv à New-York, de Montréal à Paris, de Moscou à Johannesburg, de Buenos-Aires à Marrakech, en ce jour de Simhat Torah nous rencontrons des centaines voire des milliers de personnes réunies dans les synagogues qui dansent de façon (très) enthousiaste avec le Séfer Torah. Les synagogues deviennent les théâtres de magnifiques rondes autour de la Torah, et si la place vient à manquer, cela peut déborder jusque dans les cours attenantes, voire même jusque dans les rues.
Comment est-ce possible ? Danser et se réjouir autant avec des morceaux de parchemin ?
D’autant plus que cette joie a toujours existé en ce jour de Simhat Torah. Même dans les heures les plus sombres de notre Histoire, nous avons cherché à danser avec notre Torah. Même sous les menaces et les tortures les plus cruelles, notre peuple n’a pas renoncé à serrer le Sefer Torah entre ses bras. Il suffit de lire les témoignages de la Shoah où des rescapés décrivent comment ils célébraient Simhat Torah, que ce soit dans les ghettos, dans les forêts, dans les cachettes et même dans les camps de la mort…
N’est ce pas exagéré ? Cela a-t-il un véritable sens ?
Le plus curieux dans tout cela c’est que la fête de Simhat Torah n’est même pas une Mitsva ! Cette fête n’est mentionnée nulle part dans la Torah ! Elle n’a été indiquée ni par les prophètes, ni par les Sages du Talmud. Cette fête a été instituée par le peuple juif lui-même qui a décidé de se réjouir avec la Torah le jour où l’on termine sa lecture et le jour où l’on recommence le cycle avec la section de Béréchit. C’est en quelque sorte la fête de la spontanéité juive. C’est l’expression d’un sentiment intense, quelque part dans les tréfonds de l’âme et de la conscience juive.
Vient s’ajouter à la difficulté de la question posée ici, le contenu même de ce livre avec lequel nous dansons. Pensons aux 613 commandements qui y sont inscrits et qui imposent à l’homme juif une certaine conduite, avec toutes les difficultés que cela implique. Souvenons-nous que ce livre est la source première de l’antisémitisme sous toutes ses formes en procurant au peuple juif une particularité sans égale qui a toujours suscité la haine des autres nations. N’oublions pas également que dans la Torah, il est fait mention de nombreux avertissements qui font peur, qui annoncent la souffrance et les malheurs si le peuple brise l’alliance avec Hachem. Ainsi, en réfléchissant bien à tout cela, la question ne fait que s’élargir ! Avez-vous déjà vu ne serait-ce qu’un homme danser avec les restrictions du fisc dans la main par exemple ?
La réponse demeure en réalité dans un seul mot : l’Amour.
Ainsi est-il écrit dans le Talmud au sujet du verset : ‘’Des eaux nombreuses ne peuvent éteindre l’amour’’ (Chir Hachirim 8). Et le Traité Sota 21 de dire : ‘’L’amour c’est la Torah’’.
Cette affirmation touche le point essentiel de notre sujet et lui procure toute sa signification.
Si nous cherchons une raison à la joie de la Torah qui embaume le peuple juif, nous ne pouvons l’expliquer que par le langage, la logique et la notion d’amour.
L’amour est un langage unique en son genre. L’amour ne prend pas sa source dans l’analyse simple et froide de la réalité et ne s’inscrit pas dans une quelconque logique. L’amour est une certitude intuitive claire qui murmure au cœur de l’homme les mots suivants : ‘’C’est ça’’.
Exactement comme cela s’est produit avec Adam, le premier homme. Dans le chapitre 2 de Béréchit, D. fait défiler tous les animaux devant lui. Mais Adam ne trouva pas parmi eux l’âme sœur qui lui convienne pour combler sa solitude. Mais lorsqu’Hachem lui présente Hava, il annonce : ‘’Cette fois, c’est la chair de ma chair’’.
Ces mots prononcés par Adam sont le fondement de l’amour du juif pour la Torah. Par ‘’Cette fois c’est la chair de ma chair’’ nous entendons : ‘’Sans elle je suis incomplet, je suis seul, sans repos, sans but ni direction. Sans elle je ne suis pas moi. Cette fois, je me suis trouvé moi-même. Je suis plus entier et je suis donc plus joyeux. Je suis serein et apaisé.’’
La Torah est quelque part, l’essence du juif lui-même. Nous voyons partout, que ce soit chez les prophètes ou dans le langage des grands sages de la Torah que celle-ci est comparée de différentes façons à une ‘’fiancée’’ qui est menée vers son bien-aimé, l’homme. La Torah est le seul ‘’breuvage’’ qui comble sa soif spirituelle. C’est son complément. Nous voyons cela encore de nos jours : toute personne qui étudie la Torah, même un peu, ressent cette sensation. Nous éprouvons ce sentiment de ne pouvoir s’y déconnecter même après de longues heures d’étude. Nous y sommes attachés et y sommes toujours restés attachés, avec ardeur et foi, même dans les périodes de l’Histoire les plus noires.
Nous savons que la Torah est notre vie. Elle est la vie dans le sens le plus simple du terme. Sans elle nous ne sommes rien. Et cet amour mène à la joie, une joie authentique et profonde, une joie éternelle du cœur qui s’exprime au grand jour à Simhat Torah.
C’est ce sentiment qui nous unit à travers les générations. C’est la même joie qu’ont exprimé les sages d’Israël il y a plus de 1000 ans. C’est le même amour pour la Torah qui nous étreint encore aujourd’hui au 21ème siècle. A travers les âges et les générations, à travers les cultures et les continents, les mers et les océans, ce sentiment est resté le même, intact. Oui, la Torah est vérité. Et c’est toujours ce même amour depuis la nuit des temps qui l’accompagne : ‘’C’est elle, la chair de ma chair’’.
(Aish.com)