« Personne ne m'avait préparée à ce jour où j'ai été confrontée au dilemme le plus lourd de ma vie, avorter ou non. Mais c'est arrivé, et à mon grand regret, j'ai choisi la mauvaise voie. » Par ces mots, C. Ziegler, la trentaine, du nord d'Israël, débute notre conversation. La voix tremblante, avec des yeux dont il est possible de sentir la tristesse à des milliers de kilomètres, elle déroule devant moi la plus dures de ses expériences, un avortement qu'elle a passé il y a deux ans. « J'étais dans une situation donnée, qui quel que soit le regard, était mauvaise. Amener un enfant au monde, ce n'était pas une éventualité de mon point de vue. J'étais au milieu de de ma vie, étudiante en quatrième année d'architecture, proche de la fin des études. La raison plus profonde, est que je ne me sentais pas prête à élever mon propre enfant, à un âge tellement “jeune” avant d'avoir goûté à tout ce que le monde pouvait m'offrir. »
Rester les bras croisés, jusqu'à ce que le problème se résolve de lui-même n'était pas une solution, et Ziegler s'est retrouvée à raconter son désespoir à sa meilleure amie. « Cette copine m'a conseillé d'avorter » raconte Ziegler les yeux baissés. « Je me rappelle qu'elle m'a dit : c'est la solution parfaite pour toi. Demain, tout cela sera derrière toi, et tu oublieras que c'est arrivé ».
Comment avez-vous réagi ?
«Je ne vais pas mentir. A ce moment-là, ses paroles m'ont donné de l'espoir. Après avoir cru que mon monde se détruisait sous mes yeux, tout à coup j'ai eu quelque chose auquel je pouvais me raccrocher. » Encouragée par son amie, le jour même, elle a appelé son gynécologue, et lui a demandé de prendre un rendez-vous avec la commission de l'avortement.
Ne pensiez-vous pas que vous pourriez un jour regretter ce geste ?
« C'est peut-être absurde, mais non», répond Ziegler d'une voix triste. «Ma mère m'a accompagné durant tout le processus, et j'étais sûre que c'était la meilleure solution et la plus courte. Finalement, ça été la pire des solutions et la plus longue ». A la commission médicale elle est arrivée avec un argument choc : « Je leur ai dit que je n'étais pas stable psychiquement, que j'avais des pensées suicidaires et que je n'étais vraiment pas prête à élever un enfant dans ma situation. C'est ce qu'on m'a dit de dire ».
«J'ai senti une terrible solitude m'envahir, me dépouillant de tout ce que j'étais »
Oui, la commission pour l'interruption des grossesses non désirées fonctionne avec une facilité déconcertante. L'argument présenté par la « patiente » qui désire mettre fin à sa grossesse ne compte pas moins que l’identité de ceux qui l'écoutent et jusqu'à combien. « Le mercredi de cette même semaine, j'étais déjà en salle d'opération » se souvient Ziegler. « Tout le processus était horrible, et ce, sans parler des obstacles que j'ai rencontré avant ; des examens médicaux arrivés tardivement, un médecin empêché. Comme si du Ciel, on voulait me retenir pour un instant. Le temps de réfléchir et de revenir en arrière. »
« Mais la seule chose que je voulais, c'est en terminer au plus vite et retourner à la vie ordinaire, celle d'avant. Ils m'ont alors fait entrer dans une salle d'opération très éclairée, une odeur repoussante flottait dans l'air, je me suis sentie très seule. Les médecins sont entrés tous vêtus de vert, m'ont lié les jambes et m'ont endormie. »
Qu'est-ce que vous avez ressentie lorsque vous vous êtes réveillée ?
« En un mot, la mort. Des remords très profonds m'ont saisie, j'étais en état de choc. Je me rappelle qu'en salle de réveil, je tenais la main de ma mère, j'ai pleuré et je lui ai demandé si j'aurais encore des enfants. Elle a pleuré avec moi et m'a promis que oui, mais cela ne m'a pas calmé. Mis à part la douleur physique que j'ai ressentie, une souffrance émotionnelle énorme me rongeait et m'a paralysé pendant toute une semaine. »
« Je ne pouvais pas sortir du lit et faire ce que je voulais. J'ai senti le besoin de m'endeuiller sur la perte j’avais subie et qui ne reviendrait plus jamais. »
En raison de son état mental délicat, Ziegler a abandonné ses études et gaspillé quatre ans de sa vie ne vain.
Mais selon elle, c'est une perte négligeable. « Je voudrais pouvoir revenir en arrière. Je donnerais tout, mais pas une partie de moi-même. »
Puis vint le tour des accusations. «J'étais en colère contre tout le monde, mais surtout sur moi-même, qui n'ait pas résisté à une réaction qui paraissait naturelle et juste, qui n’ait pas pu essayer une autre voie ».
Et l'amie qui vous a conseillé d'avorter, vous lui en voulez ?
« Non, Ma conscience est claire à ce sujet. A cette époque, je pensais comme elle, et si c'est elle qui m'avait posé la question, c'est exactement ce que je lui aurais conseillé. »
Et la famille où était-elle dans cette épreuve ? « Ma famille a essayé de me soutenir, mais j'étais sur une pente glissante de mélancolie et de tristesse, attirée de plus en plus bas, sans que je ne sois en mesure de résister. Une vérité m'accompagnait toujours, et c'est ce qui m'a causé une profonde tristesse, j'ai senti que j'avais tué mon bébé. Jusqu'à aujourd'hui, deux ans après, je n'arrive pas à surmonter le sentiment d'amertume et de douleur bien que j'ai tout essayé : anti dépresseurs, psychologues… Rien ne m'a vraiment aidé.»
Sauf une chose. Lorsque je me suis rapproché soudainement de la Torah, avec le besoin obsessif de trouver des réponses à mes interrogations. « Par hasard, j'ai eu entre les mains le livre de Noa Yaron 'mekimi'. Après l'avoir lu, j'ai été comme aspirée vers le judaïsme. J'ai écouté des dizaines de cours sur internet, j'ai commencé à respecter le shabbat et je me suis renforcée dans tous les domaines. »
Quelques mois plus tard, C. a rejoint les bancs d'une midrachya à Jérusalem et après un an d'efforts continuels, elle a eu le bonheur de trouver son conjoint pour l'épouser selon les lois de la Torah.
« Je n'ai pas de mots pour remercier D.ieu pour le miracle qu'il m'a fait, Il a écouté mes prières et m'a permis de tomber à nouveau enceinte. C'est le plus grand cadeau que j'aurais pu demander. Et aux filles dans ma situation, s'il y en a qui se posent la question de savoir si avorter ou non, je n'ai qu'une chose à dire : l'avortement c'est l'enfer. Ne vous avisez pas à le faire, ne répétez pas ma terrible erreur. Vous avez reçu un grand cadeau, appréciez-le. »
Pour de l'aide ou des conseils, vous pouvez joindre l’association Efrat Tel : +972(2)5454500 Mail : [email protected]