Lekh Lékha. Eternité spirituelle et précarité matérielle

« Loth se dirigea du côté oriental » (Béréchit 13,11)

Dans ce passage de la Tora, nous découvrons les réactions nettement contrastées de deux personnages confrontés à l’épreuve de la richesse. Le premier d’entre eux est Loth, qui partagea le quotidien d’Avraham et ses nombreuses péripéties et qui, de longues années durant, fut son fidèle disciple. Or, au moment où il vint à se séparer de lui, le verset précise que « Loth leva les yeux et considéra toute la plaine du Jourdain, tout entière arrosée (…) Loth se dirigea du côté oriental. » En d’autres termes, Loth fut alors ébloui par les tentations de l’opulence, et pour les combler, il se sépara d’un saint homme tel qu’Avraham et se lia à des hommes mauvais et corrompus comme l’étaient les habitants de Sodome.Rachi confirme cette vision en rapportant au nom de nos Sages : « Loth se dirigea du côté oriental [kédem] – il se sépara de la Source première du monde [autre signification de Kédem] en déclarant : “Je ne veux plus d’Avraham, ni de son D.ieu.” »

this week's torah portion

Cette explication interpella cependant le Saba de Kelm : Comment peut-on prêter de tels propos à Loth, alors qu’à aucun moment le verset ne suggère que telle aurait été son intention ? Et le Saba d’expliquer que si Loth fut capable de renoncer à vivre aux côtés d’un homme tel qu’Avraham en raison de considérations matérielles, c’est nécessairement parce qu’il était alors animé de pensées hérétiques. En son for intérieur, il ne fait aucun doute qu’il se disait : « Je ne veux plus d’Avraham, ni de son D.ieu. »
Rav Ya’aqov Neuman, dans son ouvrage Darké Moussar, remarque à ce propos que c’est précisément la promiscuité avec les habitants de Sodome qui entraîna la perte totale des biens de Loth. Sa vie ne fut en effet sauvée que par le mérite d’Avraham. Par contre, de cette richesse qu’il avait tant convoitée, il ne lui resta absolument rien.La seconde personne confrontée à l’épreuve de la richesse fut Avraham. En récompense de sa bravoure lorsqu’il délivra les peuples de Cana’an de l’oppression de quatre monarques despotes, le roi de Sodome lui avait en effet proposé une très grande fortune. Si celle-ci lui revenait légitimement, Avraham la refusa pourtant : « Je jure que, fût-ce un fil, fût-ce la courroie d'une sandale, je ne prendrai rien de ce qui est à toi ; que tu ne dises pas : “C'est moi qui ai enrichi Avram !” » (Béréchit 14,22-23). Pour avoir ainsi renoncé à ces richesses, Avraham se vit octroyé la mitsva des téfilines et celle des tsitsit [les franges au coin des habits]. C’est dire le mérite infini de l’accomplissement quotidien de ces mitsvot par toutes les générations qui procèdent de lui !

Nous voyons ici le gain immense dont se trouve gratifié celui qui renonce à l’opulence matérielle au profit d’une richesse spirituelle. Inversement, combien funeste est le sort de celui qui s’avoue prêt à abandonner le D.ieu d’Avraham en échange de bénéfices matériels !Par leurs choix différents, Avraham gagna un mérite éternel et incommensurable – et Loth perdit toute la richesse qu’il avait tant convoitée, pour se retrouver en fin de compte dans le dénuement le plus complet.Une autre conclusion se dégage de cette comparaison : l’importance capitale de vivre à proximité d’un Juste et de résider dans un lieu où la Tora est vécue intensément.

Ces circonstances ne sont pas sans rappeler la fameuse michna des Pirqé Avot (chap. 6) dans laquelle Rabbi Yossi ben Kissma raconte : « Alors que j’allais un jour en chemin, un homme m’accosta. Il me formula ses vœux de paix et je les lui rendis. Il me demanda : “Maître, de quel endroit viens-tu ?” Je lui répondis : “Je viens d’une grande ville de sages et de scribes.” Il me dit : “Rabbi, voudrais-tu venir habiter auprès de nous, dans notre contrée, et je te donnerai des milliers de pièces d’or, de pierres précieuses et de joyaux ?” Je lui répondis : “Quand bien même me donnerais-tu tout l’argent et l’or, tous les joyaux et les pierres précieuses du monde, je ne résiderais que dans un lieu de Tora. Comme il est dit dans les Psaumes du roi David (119,72) : “Plus précieux est pour moi l’enseignement de Ta bouche que des monceaux de pièces d’or et d’argent.” »

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.   

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Related Articles

Back to top button