« Eloigne-toi de ton pays…» (Béréchit 12,1)
« Pour quelle raison D.ieu ne révéla-t-Il pas immédiatement [à Avraham sa destination] ? Pour que la terre de Cana’an soit encore plus précieuse à ses yeux, et afin de lui offrir une récompense pour chacun de ses pas. » (Rachi au nom du Midrach)
Rachi répond à sa question de deux manières : selon la première explication, il apparaît que le mystère qui entourait la destination d’Avraham permit d’accroître l’intérêt qu’il portait pour la Terre promise. Ainsi, note rabbi Ya’aqov Israël Kanyevski dans son Birkat Pérets, nous voyons combien la recherche, l’aspiration et les efforts engagés par une personne pour réaliser ses objectifs ne font qu’accroître l’importance de ceux-ci à ses yeux. En revanche, si l’objet de ses désirs devait arriver entre ses mains de manière fortuite, cet objet perdrait alors pour lui une grande part de sa valeur. Ainsi en est-il également de l’étude de la Tora, fait remarquer ce maître : celui dont la motivation est forte, qui désire ardemment découvrir toutes les facettes de la Tora jusqu’à les assimiler parfaitement, éprouvera un amour immense pour son étude. En revanche, l’homme qui n’est pas habité par une si grande ambition et qui n’engage pas de grands efforts pour assimiler ses connaissances, considérera son étude avec beaucoup moins d’importance.
C’est également à la mesure de cette disposition que l’homme mémorisera davantage le savoir de la Tora. Nous savons en effet que plus un événement réjouit l’homme – ou inversement plus une douleur est intense –, plus ceux-ci restent ancrés dans les replis de sa mémoire. Par conséquent, il apparaît que la mémorisation de l’étude est directement dépendante de l’intérêt avec lequel on s’y consacre. Le principe émanant de cet enseignement est donc clair : c’est en fonction du désir de l’homme – et de ses efforts – à étudier la Tora que celle-ci se grave dans son esprit. Ainsi la joie et l’entrain sont les facteurs essentiels d’une mémorisation optimale.La seconde explication formulée par ce Midrach nous fournit également une leçon remarquable : le fait qu’Avraham ignorât sa destination lui fit mériter une récompense pour « chaque pas qu’il ferait » ; en revanche, s’il avait aussitôt su, dès son départ, vers quelle terre il se dirigeait, il n’aurait pas eu droit à une si grande récompense.
En effet, explique le Birkat Pérets, bien que dans ce cas également, chaque pas aurait été l’accomplissement de la volonté de D.ieu, il n’en reste pas moins qu’un voyage réalisé vers une destination connue provoque nécessairement chez l’homme une certaine satisfaction, dans la mesure où il sait que chaque pas le rapproche de son objectif. Cette satisfaction inévitable aurait quelque peu altéré le caractère désintéressé de la démarche d’Avraham. Par conséquent, son ignorance du lieu lui permit de conserver intacte sa soumission à D.ieu, et d’accroître ainsi sa récompense. Chaque pas effectué le fut exclusivement au titre de l’ordre divin : « Eloigne-toi de ton pays… et va au pays que Je t’indiquerai », sans qu’aucun intérêt personnel s’y mêle.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.