« Ainsi, reprit-Il, sera ta descendance » (Béréchit 15,5)
Dans ce verset, Rabbi Méïr Shapira de Lublin décèle, dans son Nitsotsé Or haMéïr, une allusion à l’une des qualités innées des descendants d’Avraham. Selon lui, lorsque D.ieu dit à Avraham : « Regarde le ciel et compte les étoiles : peux-tu en supputer le nombre ? », cela peut s’interpréter comme suit : « En regardant le ciel, tu sais pertinemment que tu es incapable de dénombrer la somme de ses étoiles ; en dépit de quoi, tu t’efforces pourtant de les compter, et le fait qu’il s’agisse d’une “tâche impossible” ne te décourage pas… » Ainsi, mû par son profond désir d’accomplir la volonté de D.ieu, Avraham ne s’est pas détourné de sa tâche au prétexte qu’elle était impossible : bien au contraire, il s’y essaya jusqu’à la limite de ses forces. C’est à cette disposition que fait référence la prophétie : « Ainsi sera ta descendance » – car chez elle, on ne mesure pas la volonté en fonction des capacités : à l’inverse, ce sont les capacités qui sont jaugées à l’aune de la volonté. De fait, lorsqu’une volonté profonde se manifeste, des forces insoupçonnées se dévoilent, et l’on s’aperçoit alors posséder un potentiel nettement supérieur à ce que l’on croyait.
Chacun de nous peut tirer de ce développement un enseignement profond : parfois, nous nous sentons impuissants face aux difficultés qu’implique une bonne action que l’on souhaite accomplir. Mais en s’examinant objectivement, nous nous rendrions compte que ce qui nous fait réellement défaut, c’est bel et bien une authentique volonté. Et si nous en étions véritablement animés, il ne fait aucun doute que nous pourrions parfaitement réaliser l’impossible.
Dans le commentaire Cha’aré ‘Hayim sur le Cha’aré Téchouva (Portique III, chap.28), l’auteur cite un enseignement du Smag selon lequel même un homme ayant atteint un âge très avancé ne doit jamais cesser d’étudier la Tora. Celui-ci raconte par ailleurs que lorsque le rav Chmouël Huminer zatsal évoqua cette remarque devant rav Isser Zalman Meltzer zatsal, ce dernier lui raconta cette histoire émouvante : « J’habitais encore à Slotzk lorsqu’un jour, un vieil homme aveugle se présenta à moi. Je m’aperçus rapidement que c’était un érudit. De fait, il me présenta deux ouvrages qu’il avait lui-même écrits. En me désignant un passage de l’un deux, il déclara : “Ceci est mon dernier commentaire de Tora !” Comme je m’étonnais de cette remarque, il poursuivit : “Il y a quelques années encore, je consacrais de nombreuses heures à l’étude de la Tora et m’impliquais corps et âme pour en découvrir les profondeurs. Mais à mesure que je vieillissais, la chose devint pour moi de plus en plus difficile. Le jour où je terminai de rédiger ce commentaire, je me dis que je cesserais dorénavant d’étudier avec autant d’intensité, et que désormais, mon étude serait plus calme et pondérée. C’est alors que soudainement, ma vue commença à faiblir. Je consultai aussitôt des spécialistes, et après de nombreux examens, un grand professeur me déclara, catégorique : “Nous ne pourrons pas vous offrir une nouvelle vue. Mais ce qui me laisse vraiment perplexe, dans votre cas, c’est le fait que vous soyez parvenu à voir jusqu’à présent… D’après vos résultats, vous devriez être aveugle depuis une dizaine d’années ! Ce qui constitue pour moi un véritable prodige, c’est le fait que vous ayez continué à voir jusqu’à aujourd’hui ! »
Le vieil homme conclut alors par ces mots : « Ce médecin ignore quelle fut la cause de ce prodige, mais pour moi, elle est parfaitement claire : tant que je me trouvais absorbé dans l’étude de la Tora, mes yeux me permettaient de voir, afin d’étudier et d’élaborer de nouveaux commentaires. Mais dès que je pris la ferme décision de diminuer l’intensité de mon étude, mes yeux cessèrent aussitôt de me servir. »Cette histoire, conclut l’auteur, constitue une grande leçon pour chaque homme. Elle témoigne de l’importance de ne jamais se relâcher dans l’étude de la Tora, pas même à l’approche des vieux jours.Sous un autre angle, cette anecdote nous enseigne également que la force de la volonté permet à l’homme de dépasser les limites de ses capacités. Tout celui qui cherche à se purifier, on le conforte dans cette direction !
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.