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L’INTRIGUE DU REGARD

Lors de la récitation du Chema, nous fermons les yeux.

Le ‘Hatam Sofer (Rabbi Moché Sofer Schreiber 1762-1839), Francfort-sur-le-Main) explique que la vision physique parasite la vision spirituelle.
Et par conséquent,  l'interruption du regard va couper l’homme de la matière et l`aider a rejoindre l’esprit.

L'épisode de la faute d 'Adam illustre cette idée. Les yeux d'Adam et de Hava s'ouvrirent et « ils surent qu’ils étaient nus » (Genèse 3,7).
Rachi indique : « c’est en rapport a la ‘Hokhma (intelligence) que le texte parle et non par rapport a la vue physique, car même l’aveugle sait quand il est nu. »

La question est flagrante : comment envisager que l'origine de l’intelligence chez l'homme ai été introduite par la faute ? De plus « ils étaient nus et n’avaient pas honte » ? (Genèse 2,25). Que s'est il passé après la transgression ?
 
La faute marque la rupture entre l'intériorité et l’extériorité.
Avant la faute, le couple de la Neshama (l’âme) et du corps étaient parfaitement équilibrés. Le corps était le reflet intégral de la Neshama. Il constituait un instrument, un réceptacle ayant pour vocation de servir l’âme en toute loyauté. Le corps de l'homme incarnait l’enveloppe qui révélait l'extraordinaire éclat de la divinité. Ils n'éprouvaient donc aucune honte; car le regard ne se posait pas sur la chair mais sur la part divine qui anime chaque être.

Avec la faute le physique s’est imposé a l’âme et désormais une lutte va devoir s’engager entre forme et image divine,  conduisant l’homme à ne plus se définir uniquement a partir de sa hauteur.

Au pied du Sinaï, le peuple d 'Israël a retrouvé cette dimension ontologique d 'Adam avant la faute. Et le peuple « voyait les voix » (Exode 20,1

En hébreu, le mot Davar a une double acception ; il signifie  ''chose'' et ''mot''.
Nos sages précisent qu’à la Création du monde, chaque parole s'est cristallisée en une chose; autrement dit chaque objet est un mot divin qui s'est matérialisé.

Au Sinaï l’évènement de vérité se passe au cœur même de l'être et va déchirer le masque du monde, laissant place à la parole divine qui donne vie à chaque chose.

L 'Univers est vécu comme Révélation de l’essence.

Cette idée se retrouve dans le fait que la Torah ne peut être donnée qu'à ceux qui se nourrissent de manne. En effet la manne prenait le goût de ce que l’on désirait mais non la forme, son aspect était celui du cristal.

Le cristal, de par sa transparence, est le corps physique le plus abstrait qui soit ; pour faire l’expérience de la Révélation,  il va donc falloir restreindre le plaisir du regard et diminuer l’éblouissement de la matière.

« Et leurs yeux s'ouvrirent et ils surent » (Genèse 3,7)
L’habit qui mettait en valeur l'être absolu, est devenu le voile qui masque.
Après la faute, l’homme est devenu aveugle à la réalité originelle. En transgressant il a perdu sa clairvoyance et ne perçoit plus la parole divine. Elle s’est voilée et reste désormais limitée à l’intelligible.

A l’origine, les vêtements qui recouvraient Adam et le monde étaient de OR (lumière);  après la faute ils devinrent ‘OR (avec ‘ayin) :la peau; ou 'IVERE: aveugle.

L’habit qui mettait en valeur l'être absolu, est devenu le voile qui masque.
C’est sur cette logique qu’il faut comprendre l’affirmation de nos sages selon laquelle Jacob n’est pas mort. Pourtant la Torah ell-même témoigne qu’il fut enterré comme les autres patriarches au caveau de Ma’hpela ?

Les Sages disent que Jacob avait atteint la beauté du premier homme. La beauté constituée par l'éclat lumineux de l’âme.  De ce fait, la mort n'est plus vécue comme un arrachement à la matière mais comme un autre temps de vie.

Depuis la faute, la parole divine, les concepts spirituels ont rejoint l’intellect. Désormais, va devoir s'engager une bataille pour tenter d'intégrer la parole au niveau de l'âme.

« Tu sauras aujourd'hui et tu ramèneras vers ton cœur ''. (Deutéronome 4,39)

L'identité juive ne doit pas se traduire essentiellement sous sa forme intellectuelle mais elle doit être impérativement vécue dans toute sa splendeur.

Il est remarquable que la première lettre de la Torah soit un beth (Berechit ) et que la dernière soit un lamed (Israel). Ce qui forme le mot lev, le cœur ….

 

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