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Mais qui a bien pu payer la note ?

A la veille de Roch Hachana, le Jour du Jugement, tous les Juifs cherchent à acquérir des mérites. Tous veulent être inscrits dans le livre de la Vie et sont prêts à tout faire pour avoir une bonne année. Nos Sages nous donnent un moyen : « Quiconque a pitié des autres, le Ciel a pitié de lui ».

Si un homme veut éveiller la pitié de D. en sa faveur, qu’il fasse du bien à ses prochains. Mon ami, Rabbi Nissim Techouva, m’a raconté l’histoire suivante qu’il a entendue du protagoniste lui-même.

Un homme exerçait le métier de plombier. Il avait acquis une grande expérience et était considéré comme un expert dans son métier. Grâce à lui, des problèmes de canalisations petits et grands ont été résolus. Chaque fois qu’on lui demandait d’intervenir, il le faisait de façon très professionnelle. Un jour, il a été appelé d’urgence dans une maison. En arrivant sur les lieux, il a compris qu’il s’agissait d’un problème grave. Ni un tuyau bouché ni un vieux robinet qui fuyait… La réparation demandait une transformation de l’installation sanitaire !

Il fallait travailler longtemps, remplacer des pièces couteuses et revoir toute l’installation. Alors qu’il travaillait, il s’est rendu compte que la maitresse de maison était veuve, mère de plusieurs orphelins, et sans le sou. Il a décidé de ne pas prendre d’argent pour son travail. La question était : comment agir avec intelligence pour ne pas faire honte à la veuve ? Pendant toutes ses heures de travail, il ne pensa qu’à cela ! « Il faut trouver une solution, se disait-il. Comment puis-je terminer cette réparation et sortir d’ici sans être payé, et sans humilier la maitresse de maison ? » A la fin de la journée, lorsqu’il a terminé son travail, la veuve hésitante lui a demandé, le visage révélant son désarroi :
« Combien est-ce que je vous dois ?
–Rien ! a-t-il répondu.
– Comment est-ce possible ? Vous avez travaillé toute la journée !
– C’est vrai, j’ai travaillé, mais c’est la mairie qui paie.
– La mairie ? Quel rapport ?
– Oui, oui ! Le travail que j’ai effectué entre dans le cadre du projet de réhabilitation des vieux quartiers. La municipalité remet en état certains quartiers vétustes de la ville. Comme le problème de la canalisation ici entre dans le cadre de ces travaux, c’est la mairie qui me paie. Je travaille, je lui présente la note, et la municipalité me rémunère. Vous y gagnez et moi aussi, tout est pour le mieux ! »

Au fil des années, le plombier est parvenu à mettre une belle somme de côté. Un beau jour, il a décidé d’acheter un terrain à Ramat Gan et d’y construire une villa. Il a fait venir un architecte qui a dessiné les plans, puis est passé à l’étape suivante : l’achat des matériaux. Pour réduire les dépenses, il a examiné les différentes qualités de matériaux et les diverses offres, et a fait une étude de marché entre les différents fournisseurs.

L’un de ceux-ci était une usine de Bnei Brak appelée « Itsik et Tsouri ». Il y a fait une étude approfondie et a poursuivi ses recherches. Deux jours plus tard, en arrivant sur le terrain, il a été stupéfait de voir le camion de « Itsik et Tsouri » garé sur place, en train de livrer la marchandise.

S’approchant du chauffeur, il lui a demandé :

-Excusez-moi, mais que faites-vous là ?
– Je livre de la marchandise.
– Je le vois bien, mais pourquoi ? Qui vous l’a demandé ?
– Nous vous livrons ce que vous avez commandé !
– Mais je n’ai rien commandé ! Je n’ai fait que demander un devis ! Reprenez votre marchandise, rechargez-la et partez ! »

Le chauffeur, qui ne comprenait pas la raison de son émoi, lui a expliqué :

-Monsieur, je ne suis qu’un livreur. J’ai reçu cette commande à l’usine et si je rapporte le tout, on va me renvoyer ! Faites-moi une faveur : allez au bureau et arrangez-vous avec eux. »
Le plombier a pris sa voiture et a filé à Bnei Brak, à l’usine « Itsik et Tsouri ».  Furieux, il s’adresse à la secrétaire :
-Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Vous… Vous…
– Ouvrons donc la commande. Tout est inscrit surl’ordinateur. Nous allons vérifier !  La commande est inscrite, et il est marqué qu’elle est payée. Qu’est-ce que cela veut dire ? Le « client » bouillonne et s’écrie : « Comment ça, payée ? Qui a payé ? Je connais ces manigances-là ! Aujourd’hui, il est écrit que c’est payé et demain, je suis convoqué au tribunal ! Je n’ai ni payé ni fait cette commande ! » 
         
Ne sachant plus que répondre, la secrétaire recommande à son client de s’adresser au patron.
-Montez au premier étage, dit-elle. C’est là que Tsouri a son bureau. Parlez-lui directement ! »

-Je vous préviens ! crie le plombier à Tsouri. Je vais faire venir les journalistes ! L’affaire fera un scandale ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Je n’ai rien commandé, ni payé, et j’ai reçu de la marchandise… »

Tsouri essaie de calmer les esprits : « Pourquoi commencer par crier ? lui dit-il. Venez, nous allons vérifier. » Il consulte son ordinateur et s’exclame:
«-Monsieur, cela ne fait aucun doute. Il y a bien eu une commande et un règlement.
– Comment une commande ? s’entête le plombier. Je vous ai dit mille fois que je n’ai rien commandé et que je n’ai pas payé un sou !
– C’est vrai, vous n’avez pas payé. Je n’ai pas dit que vous aviez payé. J’ai dit que c’était réglé…
– Qu’est-ce que ça veut dire ‘réglé’ ? Qui a réglé ?
– La mairie.
– De quelle mairie parlez-vous ? Quelle mairie a payé ?
– Ecoutez-moi. Il y a vingt ans, vous avez changé toute l’installation sanitaire chez ma mère. Vous avez mis de nouvelles canalisations et la mairie a payé… Je sais quel service vous lui avez rendu à l’époque. Voilà vingt ans que je me demande comment je pourrais vous dédommager pour ce bienfait. Cette semaine, quand vous êtes venu demander un devis, j’ai enfin trouvé l’occasion de vous rendre ce service. La même mairie qui a payé la note à l’époque a payé la note aujourd’hui ! » 

Extrait du livre ''Oumatok Haor'' du Rav Shlomo Levinstein, avec l'aimable autorisation des editions Zohar. [email protected]

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