« Vous êtes arrivés à destination ». Quel bonheur d’entendre scander cette voix dramatique.
Arriver à destination, c’est toucher du doigt le but. Arriver à destination, c’est en finir avec la quête de l’itinéraire et ses aléas. C’est enfin en finir avec l’« à peu près ». Avoir un gage de certitude.
Alors, à quand mon arrivée à destination ? A quand la délivrance ? A quand une annonce pour scander le jour de gloire ?
Les pas de la délivrance sont discrets. Sveltes, imperceptibles. Et pourtant, ils annoncent les plus grandes délivrances. La mer rouge ne s’est-elle pas ouverte progressivement ? N’est-il pas dit que Moshe Rabeinou « tendit sa main », « tendit son bâton » ?
Magnifique.
La mer s’ouvre peut-être progressivement, par une main, un bâton, mais moi, je ne veux pas tendre quoi que ce soit. Tendre, c’est peut-être tendance, mais c’est tendancieux. Je veux de la stabilité, de la fiabilité ! Je veux une joie durable et non éphémère. Où est donc passée la joie éternelle ?
Rabbi Nahman disait : « Le monde dans son intégralité n’est qu’un pont très étroit. Et l’essentiel est de ne jamais prendre peur ». La vie est telle une marche au-dessus d’un ravin. « Mes amis, nous sommes tous des équilibristes, mais n’ayons crainte, d’accord ? ». Voici la teneur du message de Rabbi Nahman.
Et il semblerait même qu’il veuille dire : « Si tu souhaites ‘tout le monde entier’, et tout de suite, alors prépare-toi à jouer à l’équilibriste ! »
Lorsque tu es en quête de l’intégralité, lorsque tu cherches «tout et son monde », tu te confrontes à l’immensité du néant. Vouloir tout et son monde, maintenant, de suite, et pour toujours, c’est faire la décevante découverte de l’angoisse paralysante. Le perfectionnisme a pour associé inévitable la peur.
Tu veux le job des rêves de ton mari, mais qui peut t’assurer d’avoir des moyens de subsistance suffisants dans deux, cinq ou dix ans ? Tu souhaites la réussite dans l’éducation de ton enfant, mais où en sera-t-il dans deux ans ? La seule chose qui est sûre, c’est que demain est fait d’incertitudes.
Que faire ? Remercier pour chaque petit pas accompli. Si, alors que tu traverses cette longue corde raide, tu fais preuve de reconnaissance pour chaque avancée, le monde en deviendra moins effrayant. Oui, aujourd’hui aussi, je ne suis pas tombée ! Et si demain, tu vacilles, continue de remercier. Perdre l’équilibre de temps en temps, quoi de plus stable ?
D’après les enseignements de la Rabanit Yemima Mizrahi, mis à l'écrit par Nina Sahel.