« D.ieu acheva le septième jour toute l’œuvre faite par Lui » (Béréchit 2,2)
« Que manquait-il alors au monde ? Le repos. Le Chabbat arriva, le repos arriva. » (Midrach cité par Rachi)
Le Bet haLévi explique que ce commentaire du Midrach vient en fait répondre à une difficulté du verset : on y lit en effet que D.ieu acheva Son travail le septième jour de la Création, alors qu’en réalité, il apparaît que dès le sixième jour tout fut achevé ! C’est qu’avec le Chabbat, répond le Midrach, apparut le repos et alors seulement l’intégralité de la Création fut achevée.Cette remarque met en relief le principe suivant : jamais l’œuvre de la Création ne s’interrompt. A chaque instant qui s’écoule, le Saint béni soit-Il façonne à nouveau tous les êtres vivants. Et à tout moment qui s’écoule, Il les crée une fois de plus à partir du néant. Par conséquent, l’existence du monde à un moment donné n’est en aucune manière une garantie de sa persistance l’instant suivant. C’est dans cet esprit que nous disons, lors de la bénédiction du Chéma : « Qui renouvelle dans Sa bonté chaque jour, perpétuellement, l’œuvre de la Création, comme il est dit : Qui crée de grands luminaires, car Sa bonté est éternelle. »
En réalité, il n’existe qu’une seule différence fondamentale entre l’œuvre de la Création – qui se déroula pendant les six premiers jours du monde – et celle qui se renouvelle tous les jours de l’existence : pendant les six jours de la Création, D.ieu créa et façonna des éléments ex nihilo, c’est-à-dire à partir du néant absolu.
Lorsqu’arriva le jour du Chabbat, c’est la création d’éléments nouveaux qui s’acheva et depuis lors, le Saint béni soit-Il poursuit Sa Création en suivant un modèle préétabli. Dans le verset, cette création à partir du néant est appelée Son travail, contrairement au renouvellement perpétuel qui est désigné quant à lui : repos. En effet, bien qu’il soit établi que jamais le Créateur ne cesse de créer, néanmoins, dans la mesure où ce renouvellement n’est pas perceptible à l’œil humain, le terme repos est donc le plus approprié.Dans cette optique, les paroles des Sages mentionnées plus haut se révèlent sous un nouveau jour. Le repos attribué au Créateur le septième jour est effectivement considéré comme l’achèvement de la Création, puisque c’est ce vocable qui désigne l’entrée en vigueur d’un nouveau mode de création. Quand nos Sages déclarent dans le Midrach : « Le Chabbat arriva, le repos arriva », cela signifie en fait qu’au moment du Chabbat émergea ce mode de création appelé repos.
Ainsi, le Chabbat nous rappelle invariablement que même aujourd’hui, alors que la vie semble s’écouler sans discontinuer, elle ne se maintient pourtant pas d’elle-même, car à chaque instant D.ieu renouvelle le monde et le fait perdurer. C’est cette notion que nous proclamons le Chabbat dans la bénédiction du Yotser : « Le septième jour, Il S’éleva et siégea sur le Trône de Sa gloire » puisqu’en ce jour, le Créateur commença à administrer le monde entier dans ses moindres détails.A la lumière de ces explications, nous saisissons mieux l’affirmation de nos Sages : « Tout celui qui se délecte du Chabbat, on lui offre un héritage sans limites, comme il est dit : “Alors tu te délecteras de D.ieu (…) et Il t’offrira l’héritage de Ya’aqov ton père” (Ich’aya 58,14). Et non l’héritage d’Avraham, au sujet duquel il est dit : Lève-toi et marche dans la terre…, mais bien celui de Ya’aqov dont il est dit : “Tu t’étendras à l’est et à l’ouest, au nord et au sud” (Béréchit 28,14). » (Chabbat 118). Il apparaît donc ici que la récompense pour l’observance du Chabbat prend la forme d’un héritage infini, qui n’est pas délimité par les lois de la nature. Lorsqu’il est annoncé à Ya’aqov : « Tu t’étendras à l’est et à l’ouest… », cela suggère que ses possessions franchiront toutes les limites de la nature et dépasseront toutes les frontières du monde, car cette récompense lui sera accordée mesure pour mesure : le Chabbat étant le signe que le monde ne peut se maintenir par voie naturelle, mais que le Créateur le renouvelle à chaque instant, c’est pourquoi la récompense de celui qui l’observe n’est absolument pas circonscrite aux limites de la nature.
Dans cet ordre d’idées, ce même verset : « Alors, tu te délecteras de D.ieu et Il t’élèvera sur les fondements de la terre » constitue une allusion au fait que D.ieu élèvera alors l’homme au-dessus des frontières de la terre et des limites de la Création. Et si le verset poursuit : « Il t’offrira l’héritage de Ya’aqov », c’est parce Ya’aqov observa lui-même le Chabbat, comme on le suggère le verset : « Il campa face à la ville » (Béréchit 33,18) dans lequel les Sages voient une allusion au principe du T’houm qu’il institua alors. (Voir le Bet haLévi qui s’étend plus en profondeur sur ce thème.)
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.