Pourim 2017
Pourim est la preuve : chez les religieux, chaque pas est un fin mélange entre le sacré et le profane
Pourim ! Ne pensez-vous pas que cette fête est bizarre ? On vous dit : allez-y, profitez un maximum ! Et au final, vous en serez récompensés !
En plein jour de Pourim, il y a des années, un homme non religieux est venu chez nous. Il est sorti au balcon qui donnait sur la rue principale et a observé le mouvement général, hypnotisé par les gens déguisés, les ivrognes, les danses, l’excitation. Il ne quitta pas le balcon jusqu’au moment du repas.
Quand il reprit enfin ses esprits et accepta de rentrer à l’intérieur, il s’exclama : ‘’Eh ben ! Alors vous, les religieux, vous savez aussi kiffer, hein ?’’
Cette phrase fut gravée dans mon esprit. ‘’Vous savez aussi kiffer’’.
Les non-religieux sont certains que les religieux sont austères, s’appliquent constamment à refouler leur nature humaine, se refusent tous les plaisirs et toutes les satisfactions du corps.
Le premier étonnement de ceux qui reviennent vers la religion, est de se rendre compte que… ‘’Il y a une vie après cette mort ! Ah, vous avez donc d’autres plaisirs à part la Torah ? Vous savez donc ce qu’est l’envie, le plaisir, le bonheur…’’
Oui, il y a des plaisirs après qu’on ait décidé de s’investir dans la Torah. Ou, plus exactement : il y a des plaisirs quand on s’investit dans la Torah, car c’est elle la source des plaisirs et du bonheur.
Pourim, ce n’est qu’une fois dans l’année, mais il nous montre quel doit être notre chemin. Le chemin du juif. Ce chemin matériel qui est spirituel. Chez le juif, cela va de pair.
Pourim, malgré les réjouissances, malgré l’alcool et les danses, est un jour de Mitswa. L’homme a alors l’ordre de faire profiter son corps : de boire jusqu’à s’enivrer, de manger de la viande, de se réjouir, de danser sans fin. Non seulement c’est un ordre, mais il en reçoit une récompense, comme n’importe quelle autre Mitswa. Exactement comme l’étude de la Torah, pour laquelle il se fatigue tant, exactement comme son abstinence pour la viande de porc qu’il voudrait tellement goûter, exactement comme il s’applique à ne pas s’isoler avec une femme qui n’est pas la sienne.
Très étonnant. En fait, on nous permet de faire ce qui nous chante, et on nous récompense. Pourtant, il s’agit de plaisirs matériels, bestiaux même. Alors, comme est-ce possible ?
J’ai écrit une fois une histoire, à propos d’un enfant dont les parents tenaient un magasin de bonbons. Tous ses amis le jalousaient. Ils disaient sans cesse que cet enfant devait être le plus heureux du monde, qu’il pouvait manger ce qu’il voulait, autant qu’il voulait. Mais un jour où une petite fête fut organisée dans la classe, les élèves remarquèrent que cet enfant ne goûtait aucun bonbon qui était servi. Intrigués, ils allèrent lui en demander la raison. Il leur répondit qu’il n’aimait pas les bonbons. Depuis son plus jeune âge, il avait développé une allergie aux bonbons, tellement il en avait vu.
A partir du moment où le corps s’habitue à quelque chose, il ne peut plus en profiter. Il recherche alors autre chose. Lorsqu’il l’a eue, il cherche encore une autre source de satisfaction. Encore et encore, sans fin.
Parmi les gens permissifs, où tout est permis et tout est possible, on attend la prochaine soirée, ou le prochain week-end, pour jouir d’un monde parfait, selon eux. Là, ils peuvent obtenir ce qu’ils souhaitent, autant qu’ils le veulent, comme ils le veulent, quand ils le veulent, sans retenue ni barrière.
Mais ce qu’on fait sans limite devient vite insatisfaisant, vide de sens, même si au départ cela semblait prometteur.
Regardez comme la Torah est intelligente. Elle dit au juif : si tu fais tout ce dont tu as envie, tu risques d’arriver à une situation où tu ne sauras plus ce que tu veux, car il n’y a plus rien de mieux, pour te satisfaire, que ce que tu as déjà. Ce que tu as fait hier n’est plus intéressant aujourd’hui, tu veux toujours plus. Tes plaisirs vont passer l’épreuve de l’usure, et il faudra les réajuster vers le haut sans arrêt.
Ceux qui sont arrivés à des records de plaisir peuvent témoigner combien c’est terrible, parce que ce désir de ‘’mieux’’ est toujours présent, et il ne connait pas de limite (et nous savons tous la vie de non-sens, d’immoralité, de drogues et d’enivrement que peuvent mener les jeunes gens qui n’ont pas encore trouvé le bon chemin).
Il est vrai que l’homme a du mal à avancer s’il ne ressent pas un certain plaisir. Un homme qui va travailler sans aucune satisfaction, finira par ne plus y aller.
La satisfaction peut s’exprimer différemment chez chacun. L’un sera satisfait par sa paye, l’autre du respect et des honneurs qu’on lui rend, l’autre encore des encouragements et des compliments qu’il reçoit, et le dernier parce que cela lui fait tout simplement du bien de sortir de la maison.
Celui qui n’a aucune satisfaction, n’acceptera plus de se fatiguer à aller travailler.
La ‘’sagesse’’ des juifs dit : le désir de l’homme n’a pas de frontière, c’est pourquoi la Torah lui met des barrières, pour qu’il sache ce qu’il n’a même pas le droit d’essayer. Il saura se tenir devant la barrière et s’arrêter : stop !
Ce n’est que lorsque l’homme est capable de dire ‘’stop !’’ qu’il peut profiter de ce qu’il a réellement, de ce qui lui est permis.
Et quand, pour certaines occasions, la permission lui est donnée d’ôter quelques barrières, il va le faire avec beaucoup plus de joie, de plaisir, de sentiment, et de reconnaissance pour cette permission. C’est le cas de Chabat, où l’on peut se reposer et peut bien manger sans craindre de ressembler à un animal, ou de pourim où l’on peut faire un peu ce qu’on veut, comme s’enivrer.
Voici qu’arrive le jour que nous attendons toute l’année. Voyez quelle joie véritable. A présent, l’homme sait se réjouir de ce qu’il a. Mais il sait aussi que c’est temporaire, qu’il ne reçoit ce plaisir que pour un temps limité, et c’est pourquoi il l’affectionne encore plus et l’utilise jusqu’au bout.
Pourim n’est qu’un exemple extrême du mélange entre ce monde et le monde futur.
En réalité, chez les religieux, chaque pas est un fin mélange entre le sacré et le profane. Mélange qui crée une vie de valeur.