« Que chacun craigne sa mère et son père » (Vayiqra 19,3)
« Comment s’exprime la crainte ? L’enfant ne s’assiéra pas à la place de ses parents, il ne prendra pas la parole à leur place et ne les contredira pas. Comment s’exprime l’honneur des parents ? L’enfant aidera ses parents à manger et à boire, il les habillera et les chaussera, il les aidera à sortir et à entrer. » (Qidouchin 31b cité par Rachi)
Pourquoi les Sages n’interprètent-ils pas la crainte dans son sens littéral, à savoir le fait de redouter ses parents ? D’autant plus que, dans ce verset, la crainte des parents est juxtaposée à celle du Créateur, ce qui suggère une certaine similitude entre ces deux ordres.La réponse à cette question, soutient rav Yérou’ham Leibovitz dans Da’at Tora, réside dans un principe essentiel : une mitsva n’est pas une valeur abstraite, réservée au monde du concept. Chaque injonction divine doit se traduire en actes et s’exprimer concrètement. Même les mitsvot qui appartiennent par définition au domaine du cœur – comme c’est le cas de la émouna, de l’amour et de la crainte du Créateur – doivent passer par une mise en pratique. C’est la raison pour laquelle les commandements de la Tora se classent en « mitsvot ‘assé » – c’est-à-dire des ordres « à faire » – et en « mitsvot lo ta’assé » – des choses « à ne pas faire ». Dans ce domaine, tout est lié à l’action.
Cet éclairage explique le questionnement de la Guémara en exergue : « Comment s’exprime la crainte ? Comment s’exprime l’honneur des parents ? » Autrement dit, quelle est l’application concrète de ces commandements ? Comment prennent-ils forme ? Et la réponse est : « L’enfant ne s’assiéra pas à la place de ses parents… » Certes, cette attitude semble à priori dérisoire, mais c’est précisément à travers elle que se matérialise l’éminente mitsva de craindre et respecter ses parents.Par cette réflexion, nous comprenons mieux la réponse que donna Hillel à un non-juif, lorsque celui-ci lui demanda de lui enseigner toute la Tora sur un seul pied. Le Sage répondit par la célèbre maxime : « Ce que tu hais ne le fais pas à autrui, telle est toute la Tora » (Chabbat 31a). Les commentateurs s’interrogent à ce sujet : pour quelle raison Hillel ne cita-t-il pas plus simplement ce verset explicite : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », qui exprime à priori la même idée ?
En faisant le choix de ces mots, le Sage voulait indiquer que même une mitsva liée aux sentiments, comme l’amour du prochain, doit s’exprimer en actes – s’il s’agit d’un commandement positif – ou par une abstention d’actes – pour un commandement négatif. Si Hillel avait annoncé : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », on n’en aurait retenu qu’un amour purement formel, dépourvu de témoignages d’amour. En revanche, les mots « ce que tu hais ne le fais pas à autrui » laissent apparaître une matérialisation de l’amour par des actes concrets.Assurément, cette idée est elle-même un principe essentiel de la Tora, que l’on peut enseigner sur un seul pied !
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.