« Parle à toute la communauté des enfants d’Israël et dis-leur : Soyez saints ! » (Vayiqra 19,2)
« Ce verset indique que ce discours fut prononcé lors d’un rassemblement général, et ceci, car la majorité des principes de la Tora en dépendent. » (Rachi)
Toutes les sections de la Tora ne furent-elles pas aussi énoncées à l’ensemble du peuple juif (comme l’indique le Talmud ‘Erouvin 54b) ? Qu’est-ce qui distingue donc ce passage de tous les autres ? Selon rav Eliyahou Mizra’hi, la nuance apparaît dans l’expression : « Parle à toute la communauté… » – attendu que généralement, les autres passages de la Tora sont introduits ainsi : « Parle aux enfants d’Israël. » Cette nuance suggère que la plupart du temps, Moché enseignait la Tora au peuple groupe par groupe, jusqu’à ce que tous l’aient apprise. Or à ce moment, il rassembla l’ensemble du peuple juif en un même lieu, et énonça ces lois à toute la communauté simultanément.Rav Ya’aqov Neuman (Darké Moussar) propose pour sa part une explication différente. Le Zohar écrit au sujet de ce passage : « Quand les membres de la sainte confrérie arrivaient à cette section de la Tora, ils se réjouissaient. » Quel était le motif de cette joie ? Le fait que ce verset place l’accent sur « toute la communauté des enfants d’Israël » – venant ainsi réfuter l’idée largement répandue, selon laquelle la sainteté ne s’offre pas à tous et qu’elle est seulement l’apanage des hommes les plus éminents. D'après cette opinion, la sainteté ne s’acquiert que par un ascétisme rigoureux, en vivant à l’écart du monde comme le font les sages des nations.
Cette vision, soutient rav Neuman, est fondée sur une erreur, car telle n’est pas la voie prônée par le judaïsme. Pour la Tora, tout un chacun a les aptitudes à s’élever jusqu’à devenir « saint ». Voilà pourquoi Moché rassembla toute la communauté pour lui annoncer : « Soyez saints », parce que chaque individu, sans exception, peut accéder à la sainteté par le respect des mitsvot. A cet égard, avant d’accomplir une mitsva, nous récitons une bénédiction contenant les mots : « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements » – car chaque mitsva accomplie sanctifie davantage l’homme.Cet autre enseignement va encore plus loin : « “Vous vous sanctifierez“ – il s’agit des premières ablutions [effectuées avant le repas]. “Et vous serez saints“ – il s’agit des dernières ablutions [effectuées à la fin du repas]. » Par ces mots, les Sages nous enseignent que non seulement les mitsvot de la Tora, mais même les institutions rabbiniques – comme l’ablution des mains lors des repas – apportent un flux de sainteté.
La paracha de Qédochim renferme de nombreuses mitsvot, dont un certain nombre d’injonctions sans rapport apparent avec la sainteté. Mais dans la mesure où cette section est introduite par les mots « soyez saints », cela signifie que chaque mitsva, quelle qu’elle soit, entraîne un supplément de sainteté. « Révérez votre père et votre mère » est autant vecteur de sainteté que « Observez Mes Chabbat », pour peu que nous respections ces commandements parce que « …Je suis l’Eternel votre D.ieu » (fin du verset). De même pour la mitsva : « Quand vous moissonnerez la récolte de votre pays, tu laisseras la moisson inachevée au bout de ton champ […] abandonne-la au pauvre et à l’étranger », elle aussi remplit l’homme de sainteté, pour autant qu’il l’accomplisse du fait que « …Je suis l’Eternel votre D.ieu ». Et ainsi pour l’interdiction : « Ne commets point d’extorsion sur ton prochain » ou encore : « Ne commettez pas de malversation dans l’exercice de la justice. » La Tora conclut chacune de ces mitsvot par l’annonce : « Je suis l’Eternel », pour nous apprendre que leur respect entraîne un nouveau flux de sainteté. Et par voie de conséquence, nous pouvons en déduire que quiconque ne les observe pas draine de l’impureté sur son âme.
Cet insigne mérite – permettant à une action de susciter de la sainteté – est exclusif au peuple juif, car seule la Tora peut remplir de sainteté ceux qui respectent ses commandements. En revanche, les nations du monde n’ont pas ce privilège : c’est pourquoi, lorsque les sages des autres peuples souhaitent goûter à la sainteté, ils doivent vivre reclus et s’astreindre à des mortifications. Ce n’est donc pas en vain que nous clamons dans nos prières : « Tu nous as choisis parmi toutes les nations, Tu nous as aimés […] Tu nous as élevés au-dessus de tous les peuples et Tu nous as sanctifiés par Tes commandements. » Le Juif le plus simple peut atteindre des sommets de sainteté grâce à la Tora du Créateur, un privilège dont sont privées les nations du monde.« Quand les membres de la sainte confrérie arrivaient à cette section de la Tora, ils se réjouissaient » – lorsque ces maîtres comprirent que non seulement l’élite, mais aussi chaque Juif ordinaire pouvait accéder au niveau de la sainteté, ils éprouvèrent une joie immense, car ils se considéraient eux-mêmes comme des hommes ordinaires. De surcroît, ils découvrirent que pour devenir saint, il n’est pas nécessaire de s’astreindre à des pratiques exceptionnelles : il suffit de respecter scrupuleusement les mitsvot. Ce point également suscita en eux une joie sans bornes.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.