« Garde-toi d’offrir des holocaustes en tout lieu où bon te semblera : uniquement au lieu que l’Eternel aura choisi dans l’une de tes tribus, là tu offriras tes holocaustes, là tu accompliras tout ce que je t’ordonne » (Dévarim 12,13-14)
D’après rav Yérou’ham Leibovitz (Da’at ‘Hokhma OuMoussar tome II, p.230), l’impératif de fixer un lieu pour offrir les sacrifices fut consécutif à la faute du Veau d’or. C’est en effet ce qui ressort du commentaire du Sforno (sur Chémot 25,9), expliquant que l’ordre de construire un Tabernacle survint précisément après cette faute. Avant ce triste épisode, les sacrifices étaient régis par le principe : « En quelque lieu où Je ferai invoquer Mon Nom, Je viendrai à toi pour te bénir » (Chémot 20,21) – un système dans lequel le lieu et les conditions requises pour apporter un sacrifice étaient extrêmement souples. Mais la faute du Veau d’or provoqua dans le monde une forte régression spirituelle, et depuis lors, il devint impératif de définir un emplacement précis pour effectuer le service sacerdotal – un lieu évoluant au même niveau spirituel qu’avant la faute – à savoir le Tabernacle.
Nous déduisons de là un principe fondamental dans notre service divin individuel : après qu’un homme a fauté, il doit construire un lieu consacré à D.ieu, où la Chékhina pourra venir résider. Dorénavant, l’existence ne peut plus s’envisager dans la dimension du premier verset : « En quelque lieu où Je ferai invoquer Mon Nom », mais seulement dans celle du second : « Uniquement au lieu que l’Eternel aura choisi. » Dans une célèbre parabole, nos Sages emploient une expression très significative au sujet du Tabernacle : « [Le Saint béni-Il demanda] : Préparez-moi une petite chambre… » (Chémot Rabba chap.33). « Une petite chambre », voici ce que demande D.ieu à Israël. La terre ayant été rendue immonde à cause de la dépravation des mœurs, Il nous demande de lui réserver une petite place, parfaitement pure et préservée, dans laquelle Il pourra faire résider Sa Chékhina. Et pour reprendre l’expression de nos Sages : « Un lieu où Je pourrai réduire Ma Chékhina pour l’y faire entrer » (loc. cit. 34).
Le Midrach enseigne ailleurs : « “Ya’aqov vit un puits dans les champs et là, trois troupeaux de menu bétail étaient couchés à l’entour, car ce puits servait à abreuver les troupeaux. […] Quand tous les troupeaux y étaient réunis, on faisait glisser la pierre de dessus la margelle du puits et l’on abreuvait le bétail, puis on replaçait la pierre sur la margelle du puits“ (Béréchit 29,2-3) – “Un puits dans les champs“ – il s’agit du mont Tsion. “Trois troupeaux de menu bétail étaient couchés“ – ce sont les trois fêtes de pèlerinage. “Car ce puits servait à abreuver les troupeaux“ – on puisait de Jérusalem l’Esprit de sainteté. […] “Quand tous les troupeaux étaient réunis“ – les Juifs venaient à Jérusalem depuis Lavo ‘Hémat jusqu’au fleuve d’Egypte. “On faisait glisser la pierre“ – pour qu’on puisse s’imprégner de l’Esprit de sainteté. “Puis on replaçait la pierre“ – en prévision de la fête suivante. » (Béréchit Rabba 70,8).
Lors des fêtes de pèlerinage, Jérusalem était semblable à une station thermale, vers laquelle affluent des personnes du monde entier pour profiter de ses bienfaits thérapeutiques, et guérir de toutes sortes de maux. Quelques semaines passées dans ces lieux suffisent à rétablir la santé des patients tout au long de l’année, voire même plus. C’est ainsi que l’on doit comprendre le principe du pèlerinage, au cours duquel il fallait « paraître devant l’Eternel ». A l’occasion de ces trois fêtes, il suffisait de pénétrer dans l’enceinte du Temple pour s’imprégner profondément de l’atmosphère de sainteté qui y régnait. L’impression ressentie persistait pendant longtemps, bien après qu’on s’éloignait du Sanctuaire. C’est là le principe de cette « petite pièce », dans laquelle D.ieu a « fait entrer Sa Chékhina » après la faute du Veau d’or. Là-bas, toutes les portes pouvaient s’ouvrir, car cet endroit renfermait toutes les valeurs du monde.
De nos jours, après avoir été privés même de cette « petite pièce », le seul endroit où l’on puisse se ressourcer de manière semblable est la yéchiva. Même un court passage à la yéchiva est capable d’élever l’homme dans des proportions inouïes, et il pourra s’appuyer sur cette expérience toute sa vie durant ! Ceci est particulièrement vrai pendant le mois d’Eloul, désigné par nos Sages comme « jours de compassion ». Y aurait-il une période plus propice pour une « thérapie spirituelle » ? Chaque minute de ce mois de miséricorde renferme une valeur inimaginable et par conséquent, le devoir nous incombe d’exploiter chacune d’elles sans faillir ! Il convient de retenir de ce développement deux idées : 1. Le mois d’Eloul et l’atmosphère de la yéchiva constituent par excellence « le lieu que l’Eternel aura choisi ». De nos jours, nul autre endroit n’est susceptible d’accueillir la Chékhina, et si l’on ajoute aux vertus de la yéchiva les qualités particulières du mois d’Eloul, on peut affirmer que rien ne saurait concurrencer cette combinaison unique. 2. Nous y découvrons le principe de la « réduction de la Chékhina », qui consiste à dire que des qualités infinies peuvent être concentrées en un point donné, géographique ou temporel. Ainsi, si nos Sages désignent le mois d’Eloul comme « jours de compassion », il ne fait
aucun doute que durant ces quatre semaines, nous pouvons nous élever en spiritualité davantage que pendant tout le reste de l’année. Ces deux réalités nous placent face à nos responsabilités, et nous invitent à en exploiter chaque instant. Rav Yérou’ham raconte également que lors d’un voyage vers les sources thermales de Carlsbad, il entendit deux voyageurs échanger quelques mots. Le premier disait au second : « Dès que nous arriverons à Carlsbad, je suggère que nous allions directement aux sources, avant même d’aller nous installer, pour profiter de leurs effets curatifs dès le premier moment. » Lorsqu’un jeune homme entre à la yéchiva au début du mois d’Eloul, il devra se diriger aussitôt vers les « sources », avant même qu’il n’installe ses affaires, pour profiter de leur influence dès le premier moment.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.