« Telle est la règle concernant l’altération lépreuse sur l’étoffe de laine ou de lin… » (Vayiqra 13,59)
« Ceci est l’expression de la bienveillance du Créateur à l’égard de ceux qui observent Ses mitsvot. […] Le verset prévient les hommes que s’ils s’éloignent de cette voie, Il attirera leur attention au moyen d’épreuves. […] Pour cette raison, nous savons par tradition que les habits des non-juifs et leurs maisons ne sont pas du tout concernés par l’impureté de la lèpre. » (Sforno)
Lorsqu’on y réfléchit, remarque rav Yéhouda Leib ‘Hasman (Or Yahel), on s’aperçoit que D.ieu suit la même ligne de conduite envers l’humanité toute entière.Le monde minéral est en effet dépourvu de sensibilité : les éléments qui le composent sont qualifiés d’inertes, car telle est bien leur nature. De même pour le monde végétal : bien qu’ils soient supérieurs aux minéraux en cela qu’ils se développent, les végétaux sont cependant dépourvus de sensations. Quant au monde animal, il se distingue des deux premiers sur ce point, puisque les animaux sont capables, dans une certaine mesure, d’éprouver des sensations : ils connaissent la douleur et réagissent à divers stimuli. Leur supériorité sur les minéraux et les végétaux provient du fait qu’ils sont dotés d’une âme vivante. Ceci étant, leur état moral ne connaît aucune évolution au cours de leur existence : ils meurent exactement tels qu’ils étaient à leur naissance. Le Talmud dit en ce sens : « Un veau âgé d’un jour s’appelle déjà un taureau. » Bien qu’ils évoluent et qu’ils respirent, les animaux n’ont conscience que de leur propre corps, à l’instant présent. Et de fait, étant donné qu’ils sont dépourvus de libre arbitre, ils n’ont pas besoin de davantage d’intelligence.
En revanche, l’être parlant – l’élite des créatures « créé à l’Image du Créateur » – se différencie totalement des trois premiers. A chaque moment de sa vie, il est en mesure de faire évoluer son état moral dans un sens ou dans l’autre, il peut continuellement choisir entre le bien et le mal. Il possède ainsi une conscience indépendante de son corps et de son âme, qu’il peut utiliser pour tirer des leçons de son passé et mieux appréhender l’avenir, éprouver de la peine ou de l’inquiétude. Toutes ces facultés furent accordées à l’homme afin qu’il puisse accomplir sa mission sur terre : effectuer des choix dans chacune de ses démarches. A cet égard, des souffrances et des épreuves lui sont parfois infligées, afin d’assouplir son cœur et préserver l’Image divine qui l’anime. Ces qualités sont présentes chez tous les êtres humains – juifs comme non-juifs –, comme l’indique la michna : « Précieux est l’homme, car il fut créé à l’Image de D.ieu » – incluant l’humanité tout entière.
Cependant, au sein même des êtres humains, il existe une autre distinction : « Tu es Mon serviteur, Israël, c’est par toi que Je me couvre de gloire » (Yécha’ya 49). La michna l’énonce explicitement : « Précieux sont les enfants d’Israël, car ils sont appelés les enfants du Créateur » – les enfants d’Israël possèdent un statut particulier en raison de la Tora qui ne fut donnée qu’à eux seuls. A cet égard, le peuple juif souffre également davantage que les autres nations. Cette différence constitue une réalité incontestable, ne serait-ce qu’à cause des nombreux commandements auxquels sont astreints les Juifs, et dont la transgression entraîne fatalement des punitions. Dans cette optique, nous comprenons pourquoi les plus grands personnages du peuple juif sont souvent ceux qui souffrent le plus : eu égard à leur haute stature spirituelle, ils ne bénéficient d’aucun traitement de faveur. Nos Sages déduisent du verset : « Autour de Lui gronde la tempête [niss’ara] » (Téhilim 50), que le Saint béni soit-Il fait preuve d’une grande rigueur envers ceux qui lui sont proches, évaluant leurs fautes à la mesure de l’épaisseur d’un cheveu [sé’ara] (Yévamot 121).
En conséquence, il apparaît que plus la stature spirituelle d’un homme est élevée, plus il sera éprouvé. Comme D.ieu chérit tout particulièrement ceux qui Lui sont proches, Il veut éviter à tout prix qu’ils se laissent aller à la faute, et c’est pourquoi Il leur envoie des avertissements sous forme d’épreuves. Cette relation particulière avec le Créateur ne s’offre pas à tout un chacun : seuls les plus éminents des hommes la méritent, comme nous l’avons vu.Le même principe se retrouve dans le contexte de la tsara’at. Dans la mesure où les enfants d’Israël doivent être parfaits aux yeux de D.ieu – selon l’expression du Ramban – Il veille à ce que leur corps, leurs vêtements et leurs maisons conservent le plus bel aspect. Et si l’un d’eux vient à fauter, son corps, ses habits ou sa maison en témoigneront, en cela qu’ils deviendront répugnants. Ces plaies seront ainsi le signe que D.ieu S’est éloigné de cet homme. De plus, précise le Ramban, ces phénomènes ne peuvent survenir qu’en Terre sainte, où D.ieu fait résider Sa Chékhina.Il en résulte que tout le monde ne mérite pas forcément d’être frappé de tsara’at : pour que ce phénomène surnaturel apparaisse chez quelqu’un, il devait nécessairement évoluer à un haut niveau spirituel. Même le peuple juif – qui est astreint au respect de la Tora – n’en avait le mérite que tant qu’il vivait sur sa Terre, lieu propice à la recherche de la connaissance divine.
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.