Réouven est un jeune Avrekh. Depuis plusieurs années, il rédige des commentaires sur la Torah. Il souhaite publier son manuscrit afin d’en faire profiter le grand public mais le problème, c’est qu’il n’en a pas les moyens. Il demande alors à son ami Chimon de lui prêter la somme nécessaire, soit 50 000 NIS. Avec l’argent des ventes, il rembourserait son prêt.
Chimon accepte et transmet la somme à Réouven. En rentrant chez lui, Réouven prend soin de cacher l’argent dans l’un des volumes de son Talmud qui orne sa grande bibliothèque avant de pouvoir faire le nécessaire pour l’impression de son livre.
Le lendemain matin, le secrétariat de l’école de leur plus jeune fils contacte la mère de famille. Le petit est tombé et il faut venir le chercher. Avant de sortir, elle laisse à la hâte un mot coincé dans l’embrasure de la porte, à l’attention de son autre fils qui ne doit pas tarder à rentrer. ‘’Moché mon chéri, je t’ai laissé la clé dans le compteur d’électricité. Ton repas est dans le réfrigérateur, tu peux le réchauffer et manger.’’ Malheureusement, avant le retour de son fils, un invité indésirable visite l’immeuble et en profite pour cambrioler l’appartement de cette famille.
A son retour, la mère reste sans-voix face à cette vision apocalyptique. Réouven ne tarde pas à arriver et découvre aussi leur appartement sans dessus-dessous. Tous les membres de la famille sont sous le choc. Réouven se précipite alors vers la bibliothèque en espérant que le malfrat n’a pas trouvé sa cachette…
Malheureusement, en ouvrant le gros volume, il est bien obligé de conclure que l’argent n’y est plus. Pendant quelques instants, il est comme perdu dans ses pensées ne sachant comment réagir à cet évènement. Il doit à présent rembourser une grande dette et ignore comment il va pouvoir, puisque l’argent destiné à l’impression de son livre vient de disparaître.
Il prend conscience du manque de prudence de son épouse : elle a laissé les clés de leur appartement avec un mot indiquant à qui voulait bien le lire, où elles se trouvaient. Réouven commence à sentir la colère monter en lui. Une voix intérieure lui dit de pointer un doigt accusateur vers son épouse. Il va presque craquer quand soudain, un éclair de lucidité le traverse : ‘’Elle a agi ainsi dans un moment de panique. Et même si cela ne justifie en rien d’avoir agi ainsi, à quoi cela va-t-il servir à présent de la culpabiliser ? Mon argent me reviendra t-il ? De plus, elle est déjà assez secouée comme cela par les évènements et s’en veut déjà énormément. Vais-je ajouter de la peine à sa détresse ?’’
Réouven reprend ses esprits et se tourne vers ses enfants, eux aussi transis de peur à la vue de leur maison dans un tel état. Il leur tend ses mains et les entraine dans une ronde joyeuse. Il allume le poste de musique et danse sans s’arrêter, empli de joie.
La porte restée ouverte, un des voisins passe par là.
‘’Mazal Tov !’’ souhaite t-il à son ami qu’il voit en train de danser au beau milieu du salon en désordre. ‘’Que se passe t-il au juste ?’’
Et Réouven lui raconte ce qu’il s’est passé. Son voisin lui répond : ‘’Tu t’es fait cambrioler et tu danses de joie ?’’ Réouven lui raconte alors qu’il n’a pas voulu en plus de cela ajouter de la colère et de la tristesse dans sa maison…
Un peu plus tard, le voisin de Réouven rencontre un bon ami à lui et, encore retourné par la force de caractère de son voisin, il raconte à son ami toute l’histoire. L’homme est tellement touché par ses paroles qu’il lui dit, les larmes aux yeux : ‘’Cette histoire m’a tellement ému que je veux que tu transmettes ce chèque de 100 000 NIS à ton voisin. Une partie pour l’édition de son livre et une partie pour rembourser celui à qui il a emprunté l’argent.’’
Réouven accepte le don avec une profonde gratitude. Il peut à présent éditer son livre sans souci.
Quelques mois plus tard, Réouven est tranquillement en train d’étudier et à un moment, il a besoin d’un certain livre pour poursuivre son raisonnement. Il ouvre le livre et à sa grande surprise il découvre les 50 000 NIS qu’il pensait volés…
Tout lui revient en mémoire à présent. Dans l’agitation du moment, il avait ouvert le mauvais livre…
Mais notre histoire ne s’arrête pas là… Réouven se demande à présent s’il doit rendre l’argent reçu. En effet, au moment où le riche homme lui a donné, l’argent se trouvait en fait chez lui…
Le Gaon Rav Zilberstein chlita a ainsi répondu :
‘’Dans le Talmud Baba Métsia (35) il est rapporté l’histoire d’un homme qui a confié des bijoux précieux à un ami. Au moment de les reprendre, ce dernier annonce ne plus se rappeler où il les a déposés. Rav Nahman dit : ‘’Un homme à qui l’on a confié un bien et qui ne se rappelle plus où il l’a déposé est appelé ‘’fauteur’’. Il est donc obligé de payer l’équivalent au propriétaire. ‘’
L’homme n’ayant pas voulu obéir à la décision du tribunal se vit confisquer ses biens à hauteur de la valeur des bijoux égarés. Finalement, les bijoux furent retrouvés, mais entre temps, leur prix a augmenté et ils valent plus que les biens confisqués. La décision juridique de Rav Na’hman : il doit rendre les bijoux mais il récupère ses biens.
Dans notre cas, le don du riche homme peut-être considéré comme un don erroné et il faut donc que Réouven lui rende l’argent. Même si Réouven n’est pas considéré comme ‘’garde’’ de l’argent qu’il a emprunté, il y a ici une erreur d’inattention qui a été faite. Pourquoi annoncer que l’argent a disparu sans avoir vérifié autre part ? Comme il est dit dans le Talmud , même un homme qui vit une tempête émotionnelle ou qui se trouve dans une grande tristesse, doit se forcer à reprendre ses esprits et à agir en pleine conscience de ses actes. Ainsi, le don du riche homme est donc bien considéré comme une erreur et Réouven doit lui rendre son argent. ‘’
Réouven se rend chez son généreux donateur, lui raconte qu’il a retrouvé l’argent et lui exprime son désir de lui rendre la somme qu’il lui a donnée.
En entendant ses paroles, l’homme est à nouveau agréablement surpris de la droiture et des qualités de Réouven. Il refuse catégoriquement de recevoir son argent en retour : ‘’C’est un grand mérite pour moi d’avoir pu aider avec mon argent un homme aussi noble que toi et je ne veux en aucun cas perdre ce mérite…’’