Le récit suivant illustre parfaitement quels efforts un homme doit engager pour réussir à briser son obstination (citée dans le Péer HaDor tome IV p.55) : Huit ans après le décès du ‘Hazon Ich, en 1962, une histoire particulièrement poignante fut révélée au public, et dont les faits s’étaient déroulés un an avant le décès du maître.
Un Juif du nom de Ya’aqov Feldman, originaire de la ville de Danilov, rapporta en ces termes le récit de sa vie à rav Eli’ézer Klein de Béer Chéva’ :
« A l’âge de dix-sept ans, je quittai le foyer de mes parents et me rendis en Hongrie, dans une petite ville du nom de Halmashpizti, pour y trouver du travail. Il ne fallut guère de temps pour que l’éducation reçue dans la maison de mon père soit jetée aux oubliettes. Je m’efforçai par tous les moyens de cacher mon identité et mes origines juives. D’autant plus qu’en cette année 1942, les sévices et les traques menées contre les Juifs ne cessaient de s’intensifier. Mais ma discrétion ne me fut que d’un secours provisoire : en 1944, je fus arrêté par les nazis et déporté avec mon frère à Auschwitz. Par miracle, je survécus aux chambres à gaz, et fus ensuite transféré vers le camp de Therensienstadt, dont je fus libéré en 1945. Je vécus encore quelques années en Tchécoslovaquie, jusqu’en 1948 où j’émigrai en Israël. A cette époque, j’avais coupé tous les ponts avec le judaïsme et l’éducation que m’avaient transmise mes parents. Je travaillais alors non seulement le Chabbat, mais même à Roch Hachana et à Yom Kippour. Le soir de Yom Kippour, en 1953, je restai à mon travail comme de coutume, et ne rentrai chez moi qu’à l’heure habituelle. Cette même nuit, mon père, rav ‘Hayim Mordékhaï, m’apparut en songe, vêtu d’un kitel [linceul] blanc immaculé et enveloppé d’un large talit.
Il m’interpella en ces termes : “Repens-toi, mon fils ! Reviens vers la voie que je t’ai inculquée, sans quoi ta vie sera retranchée !“ Le même rêve se reproduisit chaque nuit, pendant toute une semaine. Arriva alors le soir de Chabbat. Tard dans la nuit, je me rendis à Richon Létsion dans un restaurant où j’avais mes habitudes. Après avoir mangé, je rentrai chez moi comme de coutume. Alors que je m’apprêtai à allumer mon poste de radio, j’entendis soudain une voix s’exclamant : “Malheur ! Tu continues donc à fauter ?“ Je me retournai et restai pétrifié : mon père, tué des années plus tôt à Auschwitz, se tenait devant moi, toujours vêtu de son kitel et de son talit. Je l’entendis alors me dire : “Ne crois pas qu’il s’agisse de rêves ordinaires : je suis venu pour te sommer de te repentir ! Car dans le Ciel, un décret a déjà été prononcé à ton encontre, stipulant que ta vie doit être raccourcie !“ Je restai interloqué, et la vision disparut.
Evidemment, ce même Chabbat, je m’abstins de fumer et d’allumer la radio. Mais à l’issue du Chabbat, j’allai au cinéma. De retour à la maison, dès que j’ouvris la porte d’entrée, je vis à nouveau apparaître mon père, vêtu de ses habits blancs. Il me supplia de me repentir, et me prévint que ce serait là son dernier avertissement…A cette époque, j’occupais les fonctions de gérant dans une ferronnerie à Richon Létsion. Le dimanche matin, je me levai à la première heure, me rendis à l’atelier pour répartir le travail de la journée et pris aussitôt la route de Bné-Braq. Je voulais rencontrer le ‘Hazon Ich, dont j’avais entendu parler par des connaissances, dans l’intention de lui raconter mes visions. A ma grande surprise, à peine étais-je arrivé sur le pas de sa porte, qu’il m’interpella et m’adressa des propos d’une grande sévérité : “Malheur à toi ! Tu travailles le Chabbat, à Roch Hachana et même à Yom Kippour ! Ton père ne connaît aucun repos dans le Monde futur, et pour ta part, un décret de retranchement a été prononcé à ton encontre !“ Il acheva sa phrase, et se remit comme à somnoler, en posant sa tête entre ses mains. Quant à moi, je restais là, ahuri et bouleversé : d’où savait-il tout cela ? Prenant mon mal en patience, je restai debout à côté du ‘Hazon Ich. Après quelques minutes, il rouvrit les yeux et me dit : “Par le mérite d’une grande mitsva que tu as accomplie dans ta jeunesse, on est prêt dans le Ciel à t’accorder des années supplémentaires, si tu te repens à présent et que tu renoues avec l’éducation de tes parents. Dis-moi à présent, quelle peut être cette mitsva que tu as accomplie ?“
Je lui répondis : “Bien que j’aie transgressé le Chabbat, je n’ai jamais porté atteinte à quiconque, et j’ai même souvent donné la charité.“ Le ‘Hazon Ich me répondit : “Ce n’est pas cela. Ce mérite ne suffirait pas à annuler le décret prononcé à ton encontre.“ Je me souvins alors qu’à l’âge de quatorze ans environ, une femme était venue trouver mon père pour l’informer qu’un enfant juif était décédé dans un village alentour, sans que nul ne s’occupe de sa dépouille. Mon père me chargea de cette mission. Or, celle-ci impliquait un danger de mort, car à cette époque, des groupes dissidents faisaient régner la terreur sur les routes, et je dus traverser seul une épaisse forêt. Malgré tout, j’accomplis cette mitsva dans ses moindres détails, et la menait à terme sans faillir. En entendant ce récit, le ‘Hazon Ich se contenta de hocher la tête, et ne dit plus un mot. En sortant de sa maison, je me suis engagé à redevenir un Juif respectueux des mitsvot, et depuis ce jour, j’ai connu de nombreuses réussites dans ma vie. »
Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.