Vaethanan. Servir D.ieu… pour la récompense

« Laisse-moi traverser, que je voie ce beau pays qui se trouve au-delà du Jourdain, cette belle montagne et le Lévanon » (Dévarim 3,25)

« Pour quelle raison Moché aspirait-il tant à entrer en Erets-Israël ? Avait-il donc besoin de manger de ses fruits ? Ou se repaître des bienfaits de la terre ? Moché tint en fait le raisonnement suivant : “De nombreuses mitsvot ordonnées au peuple d’Israël ne peuvent être réalisées qu’à l’intérieur d’Erets-Israël ; je veux entrer dans cette terre pour pouvoir les accomplir.“ Le Saint béni soit-Il lui répondit : “Pourquoi souhaites-tu accomplir ces mitsvot ? N’est-ce pas pour en recevoir la récompense ? Je considère pour Ma part que c’est comme si tu les avais accomplies, comme il est dit : C’est pourquoi Je lui donnerai son lot parmi les grands. Avec les puissants il partagera les richesses, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort et s’est laissé confondre avec les pécheurs, lui qui n’a fait que porter la faute d’un grand nombre, et qui a intercédé en faveur des coupables (Icha’ya 53,12).“ » (Sota 14a)

 

Peut-on envisager, s’interroge Rabbi ‘Hayim de Volhozin (Roua’h ‘Hayim 1,3), que l’aspiration de Moché à accomplir les mitsvot se résumât à son désir de recevoir une récompense ? N’est-il pas évident qu’il avait dépassé ce niveau depuis longtemps, et que sa seule motivation était d’accomplir les mitsvot pour elles-mêmes ?En approfondissant le sujet, remarque ce grand maître, on s’apercevra cependant que le service divin le plus parfait est, probablement, celui qui est motivé par un désir de récompense ! En effet, la raison fondamentale pour laquelle D.ieu donna jour à la Création est de prodiguer le bien aux créatures. Par conséquent, lorsqu’un homme sert D.ieu dans l’intention d’être gratifié de Ses bienfaits, il se conforme tout simplement à la Volonté créatrice. Fondamentalement, cet homme ne cherche qu’à satisfaire son Créateur en Lui donnant la possibilité d’atteindre le but qu’Il s’est fixé dans Sa Création…

Toutefois, un tel état d’esprit – pour louable qu’il soit – se heurte à un obstacle de taille : si l’on est mû uniquement par la volonté de satisfaire D.ieu, ce service divin est assurément le plus parfait qui soit. Mais s’il devait s’y mêler également un désir, même ténu, d’assouvir ses propres aspirations, un tel service perdrait toute sa valeur et serait relégué à un niveau nettement plus ordinaire.Or, comment peut-on déterminer quelles sont les motivations exactes d’une personne ? Comment savoir si elle cherche à contenter son Créateur ou à satisfaire ses propres attentes ? La réponse est bien simple : proposons-lui de servir D.ieu de façon à ce que quelqu’un d’autre reçoive sa récompense. Si cet homme accepte malgré tout de servir D.ieu, la preuve est donc établie que seule la volonté de Lui apporter de la satisfaction l’anime. Mais s’il refuse – ou s’il fait montre de réticences –, il aura prouvé qu’il cherchait essentiellement à réaliser ses propres ambitions, et non la volonté de son Créateur.

Dans le passé, Moché s’était montré prêt à renoncer aussi bien à sa vie ici-bas qu’à son Monde futur, pour permettre au peuple juif de survivre. Ce sacrifice prouva sans la moindre équivoque que sa vie était entièrement consacrée à satisfaire le Maître du monde. Et si même son service divin était mû par un désir de recevoir une récompense, il s’agissait assurément d’un service de la plus haute qualité, tel que nous l’avons décrit plus haut. Voilà pourquoi D.ieu lui déclara : « Pourquoi souhaites-tu accomplir ces mitsvot ? N’est-ce pas pour en recevoir la récompense ? » – tel était bien le but des mitsvot que Moché accomplissait : apporter satisfaction à son Créateur, en cela même qu’il percevait une récompense. La Guémara étaye cette vue en citant une prophétie d’Icha’ya : « Je lui donnerai son lot […] parce qu’il s’est livré lui-même à la mort », et y trouve une allusion au fait que Moché fut prêt à sacrifier sa vie pour le peuple juif, comme il est dit : « Sinon, efface-moi de grâce du Livre que Tu as écrit » (Chémot 32,32).Rav ‘Hayim de Volhozin conclut par cette réflexion : « Mais pour nous qui évoluons très loin de ce niveau, il est préférable de ne pas servir D.ieu dans l’intention de recevoir une récompense. »

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.

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